Depuis le 14 mars, les 196 membres de la Convention pour la diversité biologique (CDB) de l’ONU – 195 Etats et l’Union européenne, mais pas les Etats-Unis – sont réunis à Genève.
Pour la première fois depuis février 2020, ils se sont retrouvés en personne pour négocier un accord visant à « vivre en harmonie avec la nature » d’ici à 2050, avec une étape intermédiaire à 2030.
La tâche est ardue, car la biodiversité est mise à mal par de nombreuses activités humaines: agriculture intensive, extraction minière, surpêche, urbanisation galopante…
« La biodiversité ne se limite à un domaine, c’est partout, c’est la vie », résume le Ghanéen Alfred Oteng-Yeboah.
Après l’échec des membres de la CDB à remplir leurs engagements sur la décennie écoulée, la négociation actuelle « est notre dernière chance », insiste-t-il.
Le Covid-19 a été un défi supplémentaire. La CDB « a traversé une période sans précédent dans son histoire avec l’impact de la pandémie », a commenté sa secrétaire exécutive Elizabeth Maruma Mrema depuis Genève.
Des discussions en ligne ont abouti à un texte préparatoire qui est la base des discussions à Genève. Deux autres organes, les conseils scientifique et de mise en oeuvre, se sont également réunis. Résultat, un agenda surchargé et « une impression de fouilli », selon un participant.
Dix journées de travail intensif ont permis aux délégations de mettre leurs idées sur la table, sans parvenir à les condenser pour esquisser des consensus, estime Brian O’Donnell, directeur de l’ONG Campaign for Nature. Le travail « a été à moitié fait. »
Une session supplémentaire est prévue à Nairobi fin juin, avant la COP15 à Kunming en Chine, qui pourrait se tenir fin août-début septembre selon plusieurs sources.
– Financer l’ambition –
« Nous n’avons pas réussi à nous concentrer suffisamment sur les priorités, ce qui déterminera le critère de succès à Kunming », estime Franz Perrez, chef de la délégation suisse.
La priorité est d’aboutir à un accord ambitieux à la COP15, abondent d’autres participants. « On ne parle pas beaucoup de transformation des systèmes productifs, de l’agriculture, de l’urbanisme », regrette l’un d’eux.
Pour y parvenir, des participants attendent une impulsion politique du plus haut niveau. « Les délégués ont besoin d’instructions claires venant de leurs capitales », plaide Marco Lambertini, directeur général de WWF.
L’objectif le plus emblématique est la protection de 30% des terres et des océans d’ici à 2030 au niveau mondial. Il est soutenu par un nombre croissant de pays, plus de 90.
Selon des sources proches des négociations, l’Afrique du Sud et la Chine, pays hôte de la COP15, seraient frileux, et le Brésil défendrait l’idée d’une cible nationale plutôt que mondiale.
Autre point important, la mise en oeuvre effective des décisions qui seront adoptées à Kunming. Les négociateurs ont travaillé à des processus pour ne pas se réveiller dans dix ans sur un constat d’échec.
Il a été beaucoup question de l’information de séquence numérique (DSI), un sujet complexe et crucial par des pays du Sud, et de financement.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut mettre plus d’argent sur la table pour protéger la biodiversité, mais les avis divergent sur les montants et la source.
Des pays développés défendent l’idée de mobiliser toutes les ressources – nationales, aide publique au développement, fonds privés – quand des pays en développement attendent surtout des fonds publics supplémentaires et uniquement dédiés à la biodiversité.
Des pays africains et le Brésil réclament un nouveau fonds – le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) étant jugé peu efficient -, des pays du Nord s’y opposent.
Il va pourtant falloir aider les pays en développement, qui abritent la grande partie de la biodiversité restante, argue un délégué d’Amérique latine.
« Pour dépasser ce blocage, il faut d’urgence un processus pour instaurer la confiance » d’ici à la COP15, commente Avaaz, qui s’interroge, comme beaucoup, sur la discrétion de la présidence chinoise. Si Pékin n’en veut plus, elle « devrait la confier à quelqu’un d’autre. Nous ne pouvons plus attendre », presse l’ONG.