Le secrétaire général du syndicat des mareyeurs, Aymeric Chrzan, plante le décor: « l’Angleterre, c’est juste en face. On a des relations commerciales depuis très longtemps ». Alors cet accord, annoncé à la veille de Noël, est « une bonne nouvelle ».
Dans ce port, premier centre européen de transformation de produits de la mer français où sont traitées 450.000 tonnes de produits par an, la filière pêche représente 5.000 emplois. Près de la moitié du poisson débarqué en criée y est capturé dans les eaux britanniques.
Grâce à l’accord trouvé entre Londres et Bruxelles, les marins européens pourront continuer d’exercer dans les eaux anglaises, mais devront progressivement renoncer à 25% des captures d’ici 2026.
Au sein de la filière, même si le soulagement d’avoir évité une rupture sans accord domine, les avis divergent. « Quand on perd un quart de son activité, on ne peut pas dire que c’est une victoire. Quel est le délai ? Sur quelle zone ? (…) Pour moi, il n’y a pas d’accord sur la pêche, il y a simplement la volonté d’un accord », juge le maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuviller.
– Produits frais et « flux tendu » –
Olivier Leprêtre, président du Comité des pêches dans les Hauts-de-France, se félicite lui d’un « bon accord ». Et les représentants des mareyeurs – qui achètent le poisson en gros et le transforment avant d’approvisionner les entreprises agro-alimentaires, grossistes, restaurateurs et poissonniers – jugent aussi le texte bienvenu.
Promettant un plan d’aide au secteur, le ministère de la Mer a déjà dévoilé plusieurs mesures d’accompagnement des pêcheurs et mareyeurs, qui pourront bénéficier d’une aide forfaitaire pouvant aller jusqu’à 30.000 euros en fonction de leur dépendance aux produits capturés dans les eaux britanniques.
« Certains quotas n’étaient de toute façon pas exploités totalement », rappelle Aymeric Chrzan, soulagé de pouvoir toujours compter sur les apports de la flottille locale.
« Sous réserve de lecture approfondie du texte, on échappe aux taxes douanières sur les produits importés », se réjouit-t-il aussi. « C’est important, car hors accord, la plupart de nos espèces étaient soumises aux taxes de l’organisation mondiale du commerce, à 15% ».
Mais la filière craint toujours le renforcement des contrôles sanitaires, dès le 1er janvier, qui devrait engendrer des surcoûts à la charge des entreprises.
M. Chrzan pointe également les « délais supplémentaires » liés à ces contrôles, dommageable pour des entreprises travaillant généralement « en flux tendu ».
« Le produit vendu le matin à 05H00 est envoyé dans les ateliers à 06H30 pour être mis en filet et emballé, avant d’être envoyé dans le sud de la France vers 08H00. Si on rate un camion, on rate un marché », détaille-t-il.
– Impact sur les prix ? –
Christophe Hagneré, secrétaire général de la CGT Marée au port de Boulogne, craint également que l’heure d’arrivée des camions ait « un impact sur les amplitudes horaires des salariés ».
Une première victoire a été obtenue début décembre, lorsque le Premier Ministre Jean Castex, en déplacement sur le port, a annoncé des moyens supplémentaires pour le SIVEP, service chargé des contrôles sanitaires et vétérinaires, où devront obligatoirement transiter les camions de matière première arrivés d’Angleterre.
Mais les éventuels surcoûts seront difficiles à répercuter sur le consommateur. « La conjoncture ne permet pas une explosion des prix. Il faut rester dans un juste marché » note Stéphane Pruvost, dirigeant de l’entreprise JP Marée, où la part de produits importés de Grande-Bretagne représente 20 à 25%.
« Il y a des produits qui seront peut-être abandonnés. Je pense que les fournisseurs britanniques seront aussi obligés de baisser leurs prix. Pour certains, le marché français représente 80% de leur activité », ajoute-t-il.
L’idée fait sourire Aymeric Chrzan: « Les premiers à payer le coût du Brexit seraient alors ceux qui l’ont voté ».