Concordia: Schettino, « capitaine couard » ou bouc émissaire?

Son procès pour homicides multiples par imprudence, abandon de navire et dommages à l’environnement, dans la catastrophe qui a fait 32 morts le 13 janvier 2012, doit s’ouvrir mardi à Grosseto (Toscane).

Le capitaine, 52 ans, est accusé d’avoir fait effectuer au navire un périlleux « salut » à la côte en s’approchant en deçà de la limite réglementaire de 500 mètres. Le Concordia a ensuite heurté un rocher puis est venu s’échouer à quelques dizaines de mètres du rivage. Schettino est aussi accusé d’avoir donné l’alerte avec une heure de retard et quitté le navire au milieu de l’évacuation de ses quelque 4.200 occupants, au mépris du code d’honneur des marins.

Schettino, qui a été depuis licencié par Costa Croisières, affirme au contraire avoir avoir sauvé des milliers de vie en effectuant une manoeuvre miraculeuse, après l’impact contre le rocher, et avoir quitté le bateau seulement quand il était incliné à 90 degrés pour coordonner les secours depuis la côte.

La justice déterminera son rôle exact mais il a déjà subi la vindicte des médias du monde entier.

Les tabloids britanniques l’ont surnommé « Capitaine Couard » pour avoir refusé de remonter sur le navire, un moment immortalisé par l’enregistrement d’une conversation houleuse avec le commandant Gregorio De Falco, chef de la capitainerie de Livourne qui lui ordonnait en vain: « remontez à bord, bordel de m… ».

Des passagers ont dit dans les médias l’avoir vu boire le soir du naufrage en compagnie d’une belle blonde, identifiée plus tard comme la danseuse moldave Domnica Cemortan.

Dans un article publié peu après la catastrophe par l’hebdomadaire Panorama, des habitués italiens des croisières Costa s’étonnaient de ce commandant « continuellement présent parmi les passagers » au lieu d’être aux commandes du navire.

Dans sa ville de Meta di Sorrento, sur la côte Amalfitaine, l’un de ses anciens professeurs à l’institut nautique Nino Bixio, interrogé en octobre par l’AFP, a souligné que c’était « un capitaine qui prenait des risques » et que ce soir-là le Concordia allait cinq fois trop vite, évoquant un « problème de caractère ».

Mais malgré le côté frimeur de ce natif de Naples (le 14 novembre 1960), plusieurs de ses supérieurs avaient avalisé en termes chaleureux sa demande de passage au statut de commandant, acceptée en 2006.

Ainsi un commandant de Costa, Mauro Mautone, qui l’a eu comme « collaborateur direct », en parlait-il comme d' »une personne très sérieuse, fiable, capable d’adopter l’attitude adaptée aux circonstances et dotée de capacités élevées », selon des extraits de l’enquête cités par la presse.

Le capitaine Mario Moretta, dont Schettino fut le second, évoquait aussi « une personne dotée d’un excellent bagage professionnel ».

Le procureur Francesco Verusio qui a mené l’enquête est convaincu que le procès confirmera ses thèses qui chargent beaucoup la barque de Schettino. Pour l’accusation, Schettino a pris un risque insensé en frôlant la côte, n’a effectué aucune « manoeuvre miraculeuse » pour le rapprocher de la rive, ayant en fait bénéficié d’un coup de chance, et a abandonné le navire alors qu’au moins 300 passagers étaient encore à bord.

A l’inverse, les avocats de Schettino, Domenico et Francesco Pepe veulent démontrer qu' »il n’y a pas un responsable unique », évoquant le rôle des dirigeants de Costa, une mauvaise qualité de l’acier utilisé pour construire le navire et de possibles dysfonctionnements des compartiments étanches et des générateurs d’urgence.

Un pool séparé d’avocats, Justice pour le Concordia, a demandé au parquet d’étendre le champ des responsabilités à la direction de Costa.

De son côté Schettino a adopté un profil bas. La dernière fois qu’il s’est exprimé devant un tribunal, lors des audiences préliminaires en mai dernier, il s’est dit « serein, en paix avec sa conscience » et convaincu que le procès lui permettrait d' »expliquer les faits avec calme ».

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