L’objectif de Pékin est simple: dépasser la Marine japonaise et parvenir à terme à rivaliser avec la puissante US Navy, qui croise en maître dans le Pacifique.
Cela passe notamment par l’édification de groupes aéronavals autour de plusieurs porte-avions, un programme phare de centaines de milliards d’euros déjà lancé selon les experts.
A Dalian, inutile d’espérer visiter les zones militaires de Lüshunkou, à l’extrême pointe de la péninsule: l’ancien Port-Arthur est « district interdit ». Ou encore le chantier naval où est actuellement amarré pour entretien le premier porte-avions chinois, le Liaoning, navire-amiral et symbole de cette influence accrue que la Chine veut étendre sur les océans.
Long de 300 mètres, ce bâtiment a été construit à Dalian à partir d’une coque à l’origine destinée à la Marine soviétique, un projet interrompu par la chute de l’URSS en 1991.
Le Liaoning a effectué sa première sortie en mer en août 2011, avant d’être admis au service actif en septembre 2012.
– 100% made in China –
La Chine veut pour son deuxième porte-avions relever le défi d’une construction 100% nationale.
Les travaux sont déjà entamés à Dalian, avait annoncé en janvier Wang Min, le secrétaire du Parti communiste de la province du Liaoning. Non destinés à être publiés, ces propos ont depuis été effacés des sites d’information.
L’Armée populaire –la plus grande du monde en effectifs– cultive l’opacité sur ses programmes et on peut s’attendre à des années de black-out.
« La Chine est capable de contrôler de façon impressionnante les informations sur ce programme », souligne Rick Fisher, de l’International Assessment and Strategy Center.
Selon lui, il est probable que l’armée chinoise construise sous des hangars, à l’abri des photos satellite, les différents composants de son prochain porte-avions. Deux « modules » d’essai auraient déjà été assemblés en 2013, l’un d’une « tranche » de la coque, l’autre de la proue.
« Nous nous attendons à voir apparaître (le deuxième porte-avions) ces prochaines années dans une cale sèche de Dalian », confirment James Hardy et Lee Willett, de la revue spécialisée britannique Jane’s.
« La politique stratégique à moyen et long termes de la Chine lui impose d’étendre sa présence autour du globe pour protéger ses intérêts », soulignent les deux experts, citant l’accès aux ressources, les voies maritimes de communication et les marchés de débouché des produits chinois. « Cela requiert une présence navale élargie ».
Le numéro un chinois Xi Jinping a appelé à la mobilisation pour que la Chine devienne une grande puissance maritime.
Et, dans les conflits de souveraineté qui l’opposent à ses voisins, Pékin ne craint plus de remettre en cause les statu quo qui prévalaient en mer de Chine.
– 4, 6, voire 10 porte-avions chinois ?-
Encore récemment, la Chine craignait en s’équipant de porte-avions d’écorner l’image qu’elle veut donner d’elle-même, celle d’un pays qui s’arme uniquement pour se défendre. Cela a vécu. Pékin assume désormais l’idée de projeter sa puissance loin de son territoire.
« L’idée de l’émergence pacifique de la Chine est toujours mise en avant, mais son comportement dans les mers autour et ses revendications territoriales suggèrent qu’elle est prête à défendre vigoureusement ses intérêts vitaux », souligne M. Hardy.
« L’armée chinoise a de réelles capacités offensives, avec des missiles balistiques et de croisière, des chasseurs, des bombardiers, des forces amphibies, des blindés lourds, des destroyers, des frégates, etc., alors l’idée selon laquelle elle ne s’arme que pour sa défense ne colle pas », jugent les spécialistes du Jane’s.
En nombre de « bases aériennes mobiles » sur les mers, jusqu’où Pékin est-il prêt à monter ?
Les Etats-Unis disposent actuellement de dix porte-avions –et bientôt de onze, quand l’USS Gerald Ford sera admis au service actif.
Tokyo de son côté disposera bientôt d’un porte-hélicoptères tellement imposant qu’il pourra théoriquement, après quelques modifications, servir à lancer des avions de chasse à décollage vertical.
« Selon la majorité des estimations, la Chine va construire un ou deux nouveaux porte-avions à propulsion classique avant de commencer à construire des porte-avions à propulsion nucléaire », donc à rayon d’action quasi illimité, « le plus vraisemblablement entre le début et le milieu des années 2020 », dit Rick Fisher.
Il estime plausible que la Chine dispose de quatre ou cinq porte-avions d’ici 2030, et de six à dix dans la décennie suivante.
« Tous les successeurs de Mao ont oeuvré à son rêve de future domination stratégique chinoise », assure-t-il.