Les ministres et autres représentants des 164 membres de l’Organisation mondiale du commerce ont négocié pendant toute la nuit en petits comités dans le cadre de cette 13e Conférence ministérielle, qui s’est ouverte lundi à Abou Dhabi.
Une réunion sur l’agriculture, un sujet hautement sensible comme l’ont récemment montré les manifestations en Europe et en Inde, était encore prévue dans la matinée, suivie d’une réunion des chefs de délégation puis, en théorie, d’une dernière séance plénière à 14h00 locales (10H00GMT).
« L’agriculture est une fois de plus le sujet qui fait ou défait une conférence ministérielle. Les résultats sont incertains jusqu’aux dernières heures de la conférence ministérielle », a souligné le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski sur le réseau social X.
Les ministres ne négocient toutefois pas un nouvel accord international mais une sorte de programme de travail incluant diverses thématiques.
La question la plus laborieuse reste les stocks publics de denrées alimentaires, destinées à garantir la sécurité alimentaire des populations.
Ils sont en règle général considérés comme faussant les prix, mais certains pays en développement, dont l’Inde, bénéficient d’un traitement de faveur depuis 2013 grâce à un accord temporaire. New Delhi réclame une solution permanente.
Un des textes sur la table propose de faire un pas en sa direction, mais il resterait à définir les modalités et le calendrier.
Au milieu de la nuit, le porte-parole de l’OMC, Ismaila Dieng, a souligné que les négociations dans leur ensemble font de « réels progrès » mais restent « difficiles » alors que les ministres sont entrés dans la phase de marchandage entre les divers sujets.
Rien n’est garanti car les décisions sont prises par consensus et un seul pays peut faire capoter un accord.
– Le commerce électronique dans la balance –
D’intenses négociations sur la pêche ont permis au facilitateur des discussions, l’ambassadeur islandais à l’OMC Einar Gunnarsson, de mettre sur la table vendredi matin un nouveau projet de texte, encore confidentiel.
Il prévoit une interdiction des subventions favorisant la surpêche et la surcapacité sauf si elles entrent dans le cadre d’un mécanisme de gestion de la ressource halieutique basé sur des critères de durabilité.
La période transition accordée aux pays en développement qui ne sont pas parmi les plus pourvoyeurs de subventions fait encore l’objet de discussions, ainsi que les questions liées à la pêche artisanale, au travail forcé sur les navires et à l’interdiction des subventions à l’achat de carburant.
Le texte ne fait en revanche plus référence au moratoire de 25 ans sur les subventions à la pêche de longue distance demandé par l’Inde, une attaque voilée contre la Chine.
Autre sujet de discorde: le commerce électronique. Ces discussions pourraient faire basculer les autres sujets car un petit groupe de pays, dont l’Inde mais aussi le Brésil, ont menacé jeudi de bloquer le renouvellement du moratoire douanier sur les transmissions électroniques.
Dans un message sur le réseau social X, le commissaire européen au Commerce Valdis Dombrovskis a appelé à prolonger ce moratoire, le jugeant « primordial » pour « développer les économies et créer des emplois, y compris dans les pays les moins avancées ».
En pleine année électorale américaine, aucune décision majeure n’est en revanche attendue sur la réforme du mécanisme de l’OMC qui permet de régler les différends commerciaux entre ses membres, alors que l’organe d’appel est paralysé depuis fin 2019 car les Etats-Unis, mécontents de son fonctionnement, bloquent la nomination des juges.
En 2022, les pays avaient décidé de mener des discussions « en vue de disposer d’un système pleinement opérationnel pour 2024 », mais elles piétinent.