Les moyens modernes facilitent le repérage et le contrôle de ces bateaux mais « identifier une infraction est une chose, punir sur le vrai responsable en est une autre », explique Daniel Skerritt, expert d’Oceana.
Régulièrement, les navires sont construits dans un pays et enregistrés dans un autre, leurs marins viennent d’un troisième et leur pêche est débarquée dans un port d’un quatrième, ce qui fragmente les responsabilités.
Mais une étude de l’université de Saint-Jacques de Compostelle pour Oceana sur les propriétaires réels des navires révèle aussi de grandes zones d’ombre.
Pour commencer, sur les 19.000 navires répertoriés, qui représentent 60% de tous les débarquements de pêche en mer, l’étude, qui n’avait accès qu’à des fichiers privés pas forcément à jour, a trouvé des informations sur les propriétaires d’un peu plus de 7.000 bateaux seulement.
Et très souvent, les montages sont volontairement complexes. L’ONG cite l’exemple d’un bateau sous pavillon de Belize, enregistré comme propriété d’une société chypriote, elle-même détenue par plusieurs sociétés qui dépendent d’un propriétaire légal belge.
Au total, sur les quelque 7.000 navires étudiés, 16% sont pavillonnés dans un pays mais détenus dans un autre. Et parmi eux, un quart appartiennent in fine à une entreprise asiatique et près de la moitié à une entreprise européenne.
Ainsi, si l’Union européenne compte 244 grands navires de pêche dûment enregistrés, l’étude en a trouvé 344 autres liés à des entreprises européennes, dont 228 à des entreprises espagnoles.
Par ce biais, les entreprises peuvent accéder à des zones de pêche ou à des marchés supplémentaires, continuer à utiliser de vieux navires qui ne sont plus aux normes européennes, et plus généralement exercer leur activité avec un niveau de contrainte limité en matière de lutte contre la pêche illicite.
Et même si l’Union européenne s’est dotée d’une règlementation stricte contre la pêche illicite, il reste un angle mort: rien n’interdit aux personnes et aux entreprises européennes de détenir des navires battant pavillon hors UE, et donc de profiter financièrement d’une activité moins régulée voire illégale, dénonce Oceana.