Indonésie: la difficile bataille de Xu pour lutter contre le commerce de requins

Depuis un an, cette Singapourienne s’efforce de convaincre les pêcheurs d’abandonner le marché de Tanjung Luar, où d’autres créatures des mers telles des raies manta et murènes sont écoulées. A la place, elle leur propose un travail de guide local pour les touristes de plus en plus nombreux à Lombok, île voisine de celle de Bali.

« Le rêve, c’est qu’il y ait assez (de touristes), pas tous les jours car cela risquerait d’affecter les coraux, mais peut-être toutes les semaines », raconte Kathy Xu, une ancienne professeure qui a cessé d’enseigner pour se consacrer à son projet de protection des requins, une espèce vitale pour les écosystèmes, de plus en plus menacée par la surpêche.

« J’espère pouvoir recruter davantage de pêcheurs pour faire ça », ajoute-t-elle.

Mais Xu reconnaît que sa tâche est difficile: s’attaquer à une industrie lucrative, encouragée par la forte demande d’ailerons de requins, en particulier de Chine, qui a transformé l’archipel indonésien et ses vastes eaux en plus grand marché au monde de pêche au requin.

Au cours d’une récente visite de l’AFP au marché aux poissons de Tanjung Luar, dix requins ont été vendus aux enchères, un nombre qui peut atteindre jusqu’à 300 les bons jours.

« Parfois, il y a tellement de requins qu’il n’y a pas assez de place ici », raconte Ismaïl, un intermédiaire qui finance les pêcheurs de requins.

Jusqu’ici, Xu a convaincu une poignée de pêcheurs de se reconvertir en travaillant avec des touristes, pour l’essentiel de Singapour (ville-Etat voisine de l’Indonésie), d’où elle est originaire. Ils emmènent les touristes à bord de leur bateau pour faire de la plongée avec masque et tuba et aller se baigner sur des plages de sable blanc, en moyenne deux fois par mois.

– Gagner ‘dix fois plus’ –

La militante singapourienne propose aussi à des touristes de visiter le marché de Tanjung Luar pour les sensibiliser à l’impact de la pêche aux requins en Indonésie, où 110 tonnes sont amassées chaque année, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Lors d’une récente visite, 25 lycéens de Singapour ont ainsi vu des femmes mettre les requins dans des bassines, observé des hommes affûter leur machette et d’autres transporter les squales sur leurs épaules.

« Normalement, on découvre ces problèmes dans des livres d’images, où il est écrit que ce n’est pas bien de tuer des requins pour leurs ailerons, mais cela ne va pas plus loin », confie l’un des lycéens, Ray Chua, 14 ans.

En dépit des efforts de Xu pour tenter de lutter contre cette pêche massive qui vide les eaux indonésiennes de ses requins, la chasse reste la meilleure option pour bien des pêcheurs, à l’image de Sulaiman.

« Nous gagnons beaucoup plus d’argent en chassant des requins qu’en emmenant des touristes se baigner », dit-il en soulignant que les squales peuvent lui rapporter « dix fois plus ».

Alors que les ailerons de requins sont vendus en Chine et dans d’autres pays où ils sont prisés, le reste du squale est découpé pour en faire des boulettes de poisson qui seront plongés dans de la soupe ou d’autres mets qui sont devenus une alimentation locale.

Des ONG tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme sur les méfaits de la pêche aux requins en Indonésie, soulignant que leur population décline non seulement à Tanjung Luar mais dans toutes les eaux de l’archipel de 17.000 îles et îlots.

Le marché de Lombok est l’un des seuls où les requins sont vendus en public, tandis que dans d’autres parties de l’archipel, des pêcheurs les attrapent en mer, coupent leurs ailerons et les rejettent à l’eau où ils meurent.

Cependant, la plupart des requins sont tués en étant pris accidentellement dans des filets de pêche de chalutiers, observent des militants pour la protection des requins, qui appellent le gouvernement indonésien à agir.

Car à l’heure actuelle, seule une espèce de squale, le requin baleine, considéré comme le plus grand poisson vivant sur Terre, bénéficie d’une protection totale en Indonésie.

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