En 2022, 56% des 347.000 tonnes de poissons débarqués en France provenaient de populations exploitées durablement, un chiffre en légère amélioration par rapport à 2021 (54% de pêche durable), a annoncé mardi l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) dans son bilan annuel.
Les volumes de poissons exploités durablement, qui étaient de seulement 18% en 2000, ont sensiblement progressé durant les deux dernières décennies, dépassant les 50% en 2017 dans l’Hexagone.
Mais cette part de pêche durable stagne depuis cinq ans, alors que l’Union européenne s’était fixé un objectif de 100% de populations pêchées au « rendement maximum durable » (RMD) à l’horizon 2020. Le RMD désigne la quantité maximum de poissons que l’on peut pêcher sans mettre en péril le renouvellement de la ressource sur le long terme.
« Le RMD, ça n’arrive pas tout seul. C’est toujours des décisions politiques qui sont contraignantes » sur le monde de la pêche, a pointé Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer, au cours d’une conférence de presse.
Aujourd’hui, 20% des débarquements restent donc issus de populations de poissons surexploitées et 2% de populations effondrées, comme le merlu de Méditerranée, le lieu jaune de Manche et Mer du Nord ou le cabillaud de mer du Nord.
Le reste des volumes (22%) est issu de stocks non classifiés ou non évalués, faute de données suffisantes. Les pêcheurs français capturent 340 espèces différentes de poissons, dont la moitié en très petite quantité (moins de 10 tonnes par an), rendant difficile l’évaluation de leur bonne gestion.
– larves affectées par le changement climatique –
Le retard pris sur les objectifs de pêche durable est d’autant plus préjudiciable que certaines populations de poissons, pourtant gérées durablement, voient néanmoins leur population diminuer, sans doute à cause du réchauffement climatique.
Il s’agit notamment de la sole du Golfe de Gascogne ou du hareng de Mer du Nord, dont les populations de jeunes poissons diminuent sensiblement. « Le recrutement de jeunes poissons est plus faible que ce qu’on pourrait attendre au vu d’une population en bonne santé », a souligné Mme Ulrich.
Pour expliquer ce mauvais « recrutement », les scientifiques de l’Ifremer ont montré que la période d’éclosion des larves de harengs n’était plus synchronisée avec les efflorescences de zooplancton, leur principale source de nourriture.
« Pour que la pêche soit durable, il faut atteindre l’objectif de 100% mais aussi s’y maintenir », a remarqué Mme Ulrich. Cela passe par la prise en compte « des impacts du changement climatique qui apportent une incertitude plus forte quant au renouvellement des populations », a-t-elle ajouté.
– Surpêche en Méditerranée –
La situation est particulièrement mauvaise en mer Méditerranée, où seuls 36,5% des 18.000 tonnes de poissons débarqués sont pêchés durablement.
A l’inverse, la mer du Nord et l’est de la Manche affichent les meilleures performances, avec plus de 63% des volumes de produits de la mer provenant de populations en bon état, grâce aux bonnes ressources de harengs et de coquilles Saint-Jacques.
Dans le golfe de Gascogne, la situation se détériore depuis 2010, date à laquelle 44% des volumes étaient issus de populations en bon état, contre 37% en 2022. La sardine, notamment, y est surpêchée et dégradée.
A l’inverse, la situation s’améliore lentement dans l’ouest de la Manche et en mer Celtique, avec 50% de poissons issus de populations en bon état en 2022, contre 33% en 2010.
Au niveau mondial, la pêche durable a plutôt tendance à régresser, passant de 90% en 1974 à 64,6% en 2019, selon l’agence de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Environ 80% des produits de la mer consommés en France sont importés.