Le sonar Captas, « gros poisson jaune » en pointe dans la guerre anti-sous-marine

Brest, 19 jan 2024 (AFP) – Ce gros « poisson » jaune citron est la hantise des sous-mariniers: un sonar fabriqué à Brest, dans l’ouest de la France, remorqué sous l’eau par les navires militaires, s’impose dans un nombre croissant de marines dans le monde face à la prolifération de la menace sous-marine.

C’est à la pointe de la Bretagne, sur un site planté sur les hauteurs de la rade de Brest, que le groupe d’électronique et de défense français Thales produit ses sonars Captas, qui équipent les frégates (FREMM ou frégates multi-missions) spécialisées dans la lutte anti-sous-marine de nombreux pays.

Dans un hall, quatre de ces engins, des grosses lames de deux mètres de haut ceintes de quatre anneaux, en sont à différentes étapes d’assemblage. A l’intérieur, quatre anneaux de céramique qui, sous l’effet d’une stimulation électrique, émettront une onde acoustique.

Une fois montés, ces sonars actifs sont reliés à un énorme treuil puis plongés depuis la poupe du navire jusqu’à 250 mètres de profondeur.

Une antenne linéaire, elle aussi remorquée depuis l’arrière de la frégate, sert quant à elle de récepteur aux ondes émises par le Captas.

« Avec un sonar de coque, les ondes rebondissent sous la surface et en-dessous de 20-30 mètres, on n’arrivera pas à voir le sous-marin. Pour faire de la lutte anti-sous-marine, il faut descendre le sonar en profondeur », explique Olivier Ageorges, conseiller opérationnel pour les systèmes sous-marins.

En fonction de la salinité, de la température et de la profondeur du fonds marin, le Captas-4, le modèle le plus puissant équipant les « gros » navires, peut « voir » jusqu’à 150 kilomètres, permettant de créer une bulle de sécurité autour du porte-avions ou du sous-marin escorté par la frégate.

La menace sous-marine est croissante: quelque 450 sous-marins militaires détenus par 45 pays sont recensés par le Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM).

La Russie, notamment, qui compte passer de 52 sous-marins en 2022 à 68 en 2030 selon le CESM, est de plus en plus active dans l’Atlantique et en Méditerranée.

Rien que ces dernières semaines, le président Vladimir Poutine a inauguré deux nouveaux sous-marins, tandis que le Brésil recevait le Humaita, deuxième de quatre submersibles de conception française.

Plus de 80 Captas de différents modèles ont été commandés ou sont en service dans le monde. Ils équipent aussi bien les frégates Fremm françaises et italiennes que les F110 espagnoles, les Type 23 et 26 britanniques ou les T23 chiliennes.

– Prix d’excellence américain –

En 2022, l’US Navy a elle aussi passé commande de 10 Captas pour équiper ses futures frégates Constellation, dérivées de la Fremm italienne.

Après avoir mandaté un concurrent américain qui n’est pas parvenu à développer un sonar à immersion variable satisfaisant, « ils ont passé le contrat sans évaluation quand on a pu prouver que le Captas était bon », s’enorgueillit Gwendoline Blandin, patronne des activités de systèmes sous-marins chez Thales.

Le « Hook’Em Award », un prix d’excellence en lutte anti-sous-marine de l’US navy décerné en 2022 et les deux années précédentes à des navires français, y a contribué.

Depuis le site de Thales, on devine en face L’Ile Longue, la base des sous-marins (SNLE ou sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) français porteurs du feu nucléaire. La compétence anti-sous-marine française s’est pour partie développée pour s’assurer qu’aucun submersible trop curieux n’est à l’affût au large de Brest pour pister ces précieux SNLE.

Et si le groupe français s’est imposé comme un leader des sonars, « c’est parce qu’on maîtrise l’ensemble de la chaîne, de la formulation chimique de la céramique à l’intérieur des anneaux à la mécanique marine, l’électronique de puissance et toute la partie traitement du signal acoustique. C’est le fruit de 60 ans de travaux », explique Emmanuel Michaud, responsable des activités de systèmes sous-marins pour la France au sein du groupe.

Les États-Unis n’y sont pas parvenus car ils ont longtemps privilégié les hélicoptères pour la lutte anti-sous-marine plutôt que les sonars remorqués, estime-t-il.

Ces hélicoptères emportent un sonar dit « trempé », un cylindre d’environ 90 centimètres plongé dans l’océan grâce à un treuil quand l’appareil est en vol stationnaire.

Un autre domaine de succès pour Thales, qui a vendu plus de 500 de ces sonars Flash dans le monde, dont 250 rien qu’à l’US Navy. La France dispose pour sa part de 12 exemplaires pour les hélicoptères embarqués sur ses frégates.

mra/tq/ico/abl/roc

THALES

Les Infos Mer de M&O

La station Amundsen-Scott

La station américaine Amundsen-Scott est l’habitation terrestre la plus au sud de notre planète, et non, nous n’y vivons pas la tête en...

La Fondation Jacques Rougerie missionnée pour construire le premier musée de Tuvalu

À l’occasion de la COP30, un projet inédit et hautement symbolique a été dévoilé au Climate Mobility Pavilion : la création d’un Musée pour Tuvalu, conçu pour préserver la mémoire, l’identité et le patrimoine d’un pays menacé par la montée des eaux. Au cœur de cette initiative mondiale : la Fondation Jacques Rougerie – Académie des Beaux-Arts, reconnue pour son expertise unique en architecture biomimétique et océanique.

15 novembre 1634 : premier règlement de discipline de la Marine par le cardinal de Richelieu

Dès que la capitulation de la Rochelle, en 1628, eut délivré le cardinal de Richelieu de son principal souci, il résolut de créer...

Carine Tramier, Présidente du Corimer : « Innover, c’est s’adapter et transformer la contrainte en opportunité ! » Les Grands fonds marins – 1

Où en sommes-nous ? L'innovation, pour l'industrie navale et maritime, est un moteur de l'innovation. Pour les grands fonds, l'acquisition des connaissances sur les...

Francis Vallat, membre de l’Académie de Marine : « avec l’intelligence artificielle, on danse sur un volcan ».

Cette tribune paraît simultanément à la Une du magazine Marine & Océans et d’Opinion Internationale. ---- Engagé dans le monde maritime depuis plus de cinquante ans, dont...

CMA CGM valide la construction en Inde de 6 porte-conteneurs de 1 700 EVP dual-fuel au GNL

CMA CGM devient la première grande compagnie maritime internationale de transport par conteneurs à conclure un accord pour six nouveaux navires propulsés au...

Plus de lecture

M&O 288 - Septembre 2025

Colloque Souveraine Tech du 12 sept 2025

Alors qu'il était Premier Consul, Napoléon Bonaparte déclara le 4 mai 1802 au Conseil d'État, "L’armée, c’est la nation". Comment ce propos résonne t-il à un moment de notre histoire où nous semblons comprendre à nouveau combien la nation constitue et représente un bien à défendre intelligemment ? Par ailleurs, si la technologie est le discours moral sur le recours aux outils et moyens, au service de qui ou de quoi devons-nous aujourd'hui les placer à cette fin, en de tels temps incertains ? Cette journée face à la mer sous le regard de Vauban sera divisée en tables rondes et allocutions toniques.

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.