« On sent un frémissement depuis deux, trois mois sur les taux de fret », les prix du transport de marchandises, s’est réjoui lundi lors d’une conférence de presse le directeur du port du Havre, Hervé Martel, évoquant toutefois « encore une situation extrêmement déprimée ».
« On constate fin 2016 et début 2017 une remonté des taux de fret », observait également mardi Jean-François Tallec, de l’armateur français CMA CGM, lors d’une conférence sur le salon Euromaritime.
Néanmoins, nuance-t-il, « cette remontée est très modeste, ça n’est pas du tout suffisant, mais ce qu’il est important de remarquer, c’est une certaine stabilité. On ne joue plus au yoyo un peu n’importe comment comme c’était le cas au cours de l’été 2016 ».
« Pendant deux, trois ans, on va avoir encore une surcapacité », prévoit toutefois Olaf Merk, chef de projet ports et transport maritime à l’OCDE.
Le transport maritime souffre depuis plusieurs années de l’augmentation du nombre de bateaux en circulation: « on a des Etats qui portent à bout de bras la construction navale, on ne paie pas vraiment le vrai prix du bateau », précise Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar).
Dans un marché du transport maritime en bonne santé, « ça a donné l’idée à des investisseurs financiers d’investir dans le bateau plutôt que dans l’immobilier ou dans des matières premières. (…) Ca a fait s’écrouler ce marché de façon grave et durable », ajoute Philippe Louis-Dreyfus, président de Louis Dreyfus Armateurs.
Néanmoins, « les grands opérateurs font en sorte d’équilibrer l’offre et la demande. (…) On s’est arrangés, et les autres grands opérateurs ont fait la même chose, pour qu’il n’y ait pas de surcapacité. La surcapacité pèse sur les armateurs qui ne sont pas opérateurs », explique Jean-François Tallec.
– Nouveau rapport de force –
L’une des principales solutions pour résoudre l’équation est donc d’envoyer des bateaux à la casse, le « scraping » en jargon maritime, qui se compte, pour les porte-conteneurs, non pas en nombre de navires, mais en nombre de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds).
En la matière, 2016 a été une année record, avec 655.000 EVP partis au rebut, et 2017 devrait continuer sur cette lancée, avec 750.000 EVP « scrapés », l’équivalent de 200 bateaux dits « Panamax », optimisés pour la taille du canal de Panama avant son élargissement récent.
« On a démoli en 2016 un navire qui a été construit en 2006, donc très très jeune », ajoute Jean-François Tallec.
« L’agrandissement du (canal du) Panama (en juin dernier) a secoué le marché, en rendant d’un seul coup obsolète les anciens navires Panamax », affirme-t-il encore.
La concentration des acteurs pourrait également contribuer à l’amélioration de la santé du secteur: « il y a une restructuration très importante qui est actuellement en train de se produire. Parmi les entreprises du Top 15, sept ont disparu ou sont sur le point de disparaître », soulignait encore Jean-François Tallec.
Dépôt de bilan du premier armateur sud-coréen Hanjin Shipping, fusion de l’activité conteneurs des trois plus grands transporteurs maritimes japonais, rachat du singapourien Neptune Orient Lines (NOL) par le français CMA CGM, et de l’allemand Hamburg Süd par le danois Maersk Line: les six derniers mois ont en effet connu une importante restructuration dans le transport maritime.
« On va rentrer dans un nouveau rapport de force, sans doute un peu plus équilibré », estime Paul Tourret. Pour cet expert, il « est évident que les taux de fret vont remonter ».
jul/fpo/LyS
NEPTUNE ORIENT LINES
A.P. MOELLER-MAERSK