Les projets chinois au Brésil ne sont pas la panacée (analystes)

A l’occasion de la visite du Premier ministre chinois Li Keqiang, mardi à Brasilia, les deux pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont signé 35 accords économiques qui prévoient des investissements chinois massifs de jusqu’à 53 milliards de dollars, en particulier dans les infrastructures du géant émergent d’Amérique latine.

Ce « Plan d’action jusqu’en 2021 » porte la relation bilatérale « à un niveau supérieur », s’est immédiatement félicitée la présidente brésilienne Dilma Rousseff.

Ce montant n’est pas négligeable pour le Brésil, dont l’économie est en berne pour la cinquième année consécutive et en proie à un sévère ajustement budgétaire pour rééquilibrer les comptes. En 2015, le FMI prévoit un recul de 1% du PIB de la 7e économie de la planète.

Mais pour Kevin Gallagher, professeur à l’Université de Boston à l’AFP, « les prévisions de croissance sont très basses pour la région et le secteur privé se retire. La Chine est la seule option possible pour les investissements à long terme dans la région ».

Il souligne que le Brésil devra utiliser les fonds avec parcimonie : « C’est une lourde dette et le Brésil va devoir passer du temps à penser comment ces infrastructures pourront être payées et aussi combien de temps il mettra à les construire ».

Le géant asiatique va aussi apporter d’autres ressources pour financer le rêve brésilien de moderniser ses infrastructures.

D’après Brasilia, la banque chinoise ICBC et la brésilienne Caixa Economica Federal ont décidé de créer un fonds leur permettant d’avoir 50 milliards de liquidités qui renforceront « les options pour financer les projets d’infrastructure » et un autre de « 20 à 30 milliards », pour la construction civile, les équipements industriels et sidérurgiques entre autres.

Le montant est proportionnel au défi, a assuré le ministre brésilien de l’Industrie et du commerce, Armando Monterio, dans un entretien à l’AFP. Un optimisme un peu exagéré selon les analystes.

– Des lettres d’intentions –

« Ce ne sont que des lettres d’intention. Le bilan de la visite est positif mais il faut regarder les choses avec une certaine prudence, voir dans quelle mesure elles se concrétiseront », estime Luiz Augusto de Castro Neves, ambassadeur à Pékin de 2004 à 2008 et président du Centre brésilien de Relations Internationales (CEBRI).

« Il y a des exemples dans le passé, de lettres d’intention, qui ne sont pas sorties du papier », rappelle-t-il, alertant sur la tentation de vouloir résoudre les problèmes économiques de court terme avec ces nouvelles ressources.

La liste des accords comprend un mémorandum entre le géant minier brésilien Vale et la banque chinoise ICBC pour 4 milliards de dollars, des financements de projets de la compagnie pétrolière publique Petrobras, la vente des premiers 22 avions Embraer (sur 60) et la reprise des exportations de viandes vers le marché chinois.

Pour M. Gallagher, l’initiative qui représente le mieux la nouvelle ère des relations bilatérales est le couloir vers le Pacifique qui traversera une partie de l’Amazonie au grand dam des écologistes.

Malgré son symbolisme géopolitique, la voie ferrée est loin de devenir réalité car elle dépend encore d’une étude de viabilité qui ne sera conclue qu’en 2016 et son tracé jusqu’à un port du Pérou n’est pas encore défini.

« C »est un vieux projet de 2004 que l’on ressort comme nouveau. Un projet de cette envergure a de nombreux problèmes à résoudre, comme les autorisations environnementales », explique Reinaldo Guang, du cabinet d’avocats TozziniFreire, chargé des projets avec la Chine. Il relève que les banques chinoises étudient avec minutie les financements, qui ne sont pas toujours octroyés.

Mais les chiffres sont là : en 2009, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil devant les États-unis, avec des échanges commerciaux qui se sont multipliés par 25 en un peu plus de dix ans, s’élevant à 83 milliards de dollars en 2013.

Elle n’est toutefois que le douzième investisseur, une position que Brasilia souhaite voir s’améliorer au plus vite.

dw/cdo/ka/eb

ICBC

CAIXABANK

VALE

PETROBRAS – PETROLEO BRASILEIRO

EMBRAER

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