A deux reprises au moins, le navire, le Usko MFU, est entré à Sébastopol, principal port de cette péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014, après avoir désactivé son système AIS permettant de le suivre, selon le bureau du procureur général d’Ukraine.
Au moins la première fois, en novembre 2023, le navire était reparti chargé de 3.000 tonnes de produits agricoles pour le compte d’une entreprise turque, a-t-il ajouté. C’est un volume modeste par rapport aux grands navires qui transportent plusieurs dizaines de milliers de tonnes.
Fin mai, le navire est retourné à Sébastopol, puis est reparti vers la Moldavie, a détaillé le bureau du procureur.
Long de 93 mètres pour 13 mètres de largeur selon le site MarineTraffic, l’Usko a fini par être arraisonné en « passant dans les eaux du port (ukrainien) de Reni », sur le Danube, toujours selon cette source.
Toutefois, d’après le média Lloydlist sur le transport maritime, le navire aurait été arraisonné alors qu’il descendait du côté roumain des eaux du Danube et se dirigeait vers la mer Noire. Il serait actuellement chargé d’orge à destination du port de Souda en Grèce.
L’analyste naval turc Yoruk Isik, qui observe notamment le trafic maritime dans le Bosphore, explique à l’AFP que l’Usko figure sur une liste d’environ 25 bâtiments dans le collimateur de la justice ukrainienne et a navigué entre Sébastopol et différents ports turcs. « Généralement il convoyait des matériaux de construction ou du gypse et ramenait en Turquie des céréales ».
Le capitaine azerbaïdjanais est accusé d’avoir enfreint la loi ukrainienne qui prohibe d’entrer ou de sortir des territoires ukrainiens occupés par la Russie, dont la Crimée, d’après les autorités judiciaires. Les services de sécurité ont précisé par ailleurs que douze autres membres d’équipages non ukrainiens étaient à bord.
– Pression –
En raison du faible tonnage de l’Usko, sa saisie est « anecdotique, cela ne remet pas en cause le trafic sur la mer Noire », a estimé Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés, interrogé par l’AFP.
Le transport des céréales récoltées sur les territoires de l’Ukraine, sous contrôle de Kiev ou de la Russie, a été un des points cruciaux du début de conflit en raison de la dépendance de nombreux pays d’Afrique ou du Moyen-Orient. Les produits alimentaires ne sont pas directement inclus dans le champ des sanctions imposées par les pays occidentaux à la Russie.
Sous la houlette des Nations unies et le patronage de la Turquie, gardienne des détroits, les belligérants ont trouvé un accord pour permettre la sortie des céréales.
« L’accord s’est étalé de juillet 2022 à juillet 2023, puis les Russes s’en sont retirés », rappelle Igor Delanoë, directeur adjoint de l’observatoire franco-russe. Si juste après son terme, il y a eu quelques actions belliqueuses contre la filière, aujourd’hui, « les céréales sortent des deux côtés, elles circulent, et cet accord tacite tient », explique à l’AFP ce spécialiste des questions maritimes.
Pour lui, le signal que veulent envoyer les Ukrainiens pourrait être de pousser les Russes à signer un nouvel accord formel sur les céréales.
« On voit les initiatives du président Volodymyr Zelensky » au sommet de la paix en juin en Suisse, qui a insisté sur la libre circulation maritime et la sécurité alimentaire.
« Une navigation marchande libre, complète et sûre, de même que l’accès aux ports de la mer Noire et de la mer d’Azov sont essentiels », lit-on dans la déclaration finale.
Pour M. Delanoë, cette saisie « est un signal envoyé aux Russes pour reprendre les discussions sur la base de (du précédent accord révolu), peut-être sous la pression des pays tiers clients de la Russie. Je pense que les Ukrainiens veulent graver de nouveau dans le marbre la situation de facto actuelle qui convient aux deux parties ».
L’Ukraine avait du reste tenté d’entraver la circulation d’un cargo russe en Turquie, le Zhibek Zholy, chargé de céréales, quelques jours avant la signature de l’accord de juillet 2022.