Macron en route pour la Nouvelle-Calédonie, où le retour au calme est fragile

Nouméa, 21 mai 2024 (AFP) – Emmanuel Macron s’est envolé mardi soir pour la Nouvelle-Calédonie avec l’objectif d’y renouer le fil du dialogue entre loyalistes et indépendantistes et d’accélérer le retour à l’ordre après plus d’une semaine d’émeutes causées par l’adoption d’une réforme électorale contestée.

La visite surprise du chef de l’Etat a été annoncée en Conseil des ministres, alors que se multiplient les demandes de report du projet de loi constitutionnelle de son gouvernement, rejeté par les indépendantistes.

Emmanuel Macron, qui a décollé en début de soirée selon l’Elysée, doit arriver jeudi matin (heure locale) dans le territoire français du Pacifique Sud pour y installer une « mission », a précisé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, sans en détailler la composition ni les objectifs.

L’ancien Premier ministre Edouard Philippe a espéré du chef de l’Etat des « annonces (…) à la hauteur de la situation ».

« La situation est terriblement triste et dangereuse. La France, qui a une relation compliquée à son histoire coloniale, a une possibilité de trouver une solution originale, même si c’est plus difficile qu’il y a trois mois », a ajouté l’ex-chef du gouvernement d’Emmanuel Macron lors d’une réunion publique à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).

Sur le Caillou, huit jours après le début des violences, les plus graves depuis près de quarante ans dans l’archipel, qui ont fait six morts, le fragile retour au calme s’est poursuivi « sur l’ensemble du territoire », a assuré mardi matin le représentant de l’Etat sur place, Louis Le Franc.

– Encore des renforts –

Le haut-commissaire de la République a toutefois annoncé l’envoi d’effectifs supplémentaires pour juguler les violences qui secouent l’archipel.

Toujours sous couvre-feu nocturne, Nouméa continue d’être le théâtre d’affrontements localisés et les barrages se sont même étoffés ou ont été reconstitués par endroits dans la nuit, a constaté un journaliste de l’AFP.

« La situation s’améliore, les forces de l’ordre font leur travail », a toutefois assuré sur BFMTV Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, précisant que le territoire était « drapé de drapeaux blancs » brandis par des habitants désireux de retrouver la paix civile.

Ces dernières vingt-quatre heures, les gendarmes disent avoir repris possession d’une « trentaine » de barrages, a indiqué à l’AFP une source de la gendarmerie.

Six personnes ont été tuées depuis le début des violences. Parmi les morts figurent deux gendarmes mobiles dont les dépouilles ont été ramenées lundi par avion militaire dans l’Hexagone.

Depuis le début des émeutes le 13 mai, 84 policiers et gendarmes ont été blessés, a indiqué mardi le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin devant les députés, qui ont observé mardi une minute de silence en hommage aux morts.

A l’issue du troisième Conseil de défense organisé en moins d’une semaine lundi soir, M. Macron a salué de « nets progrès » en matière de sécurité.

– Touristes évacués –

Les forces de l’ordre ont procédé à 276 interpellations, dont 248 ont conduit à des gardes à vue, a précisé M. Darmanin.

Signe de la difficulté à reprendre en main la situation sécuritaire, l’aéroport international de l’archipel a annoncé qu’il resterait fermé aux vols commerciaux jusqu’à samedi matin.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont annoncé matin l’envoi de plusieurs vols pour rapatrier leurs ressortissants bloqués. Le premier avion évacuant des touristes australiens piégés dans les émeutes a atterri mardi à Brisbane (est).

Mardi matin, sur la route express entre Nouméa et l’aéroport de La Tontounta, l’entrepôt d’une entreprise de fourniture de bureaux était en feu, dégageant une épaisse fumée noire. Deux carcasses de voitures empilées formaient un barrage à 200 mètres de là, de jeunes hommes cagoulés filtrant le passage des voitures.

Environ 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations dans Nouméa et les villes limitrophes depuis le début des émeutes, a annoncé mardi le procureur de la République de Nouméa.

Sur les barrages, la mobilisation ne semble pas toujours faiblir malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent désormais les 2.700 personnes.

« On ne lâche pas ! On ne lâche pas jusqu’à ce qu’ils retirent le texte (…). Même s’il faut mourir, on restera là sur les barrages », assure à l’AFP Simon, un chauffeur-livreur de 34 ans qui garde un barrage dans le quartier de Montravel, un fief indépendantiste.

– « Erreur gravissime » –

A Dumbéa, importante ville de l’agglomération, c’est le centre culturel qui a été saccagé. « Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi à les en empêcher », a assuré à l’AFP un militant du centre, sous couvert de l’anonymat.

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu nocturne, l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et l’interdiction de l’application TikTok.

Saisi par des défenseurs des libertés, le Conseil d’Etat a accordé mardi vingt-quatre heures supplémentaires au gouvernement pour motiver le blocage du réseau social et apporter des preuves du rôle que lui attribuent les autorités dans les émeutes.

Sur le front politique, les principales figures non-indépendantistes de l’archipel ont mardi appelé à poursuivre l’examen de la réforme constitutionnelle contestée, qui doit être adoptée avant fin juin.

Son retrait serait « une erreur gravissime » qui donnerait « raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf.

M. Muliava, issu de la communauté wallisienne, troisième en termes d’importance après les Kanak et les Européens, a en revanche appelé à « stopper la course folle de cette loi ». « On ne va pas continuer à s’entretuer ».

Les appels se sont multipliés, de la gauche à l’extrême droite en passant par la majorité et jusqu’à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme qui aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, selon les indépendantistes.

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