Nouvelle-Calédonie: l’Etat déploie des aides sans rassurer les entreprises

Nouméa, 8 juin 2024 (AFP) – Afin de sauver l’économie de la Nouvelle-Calédonie, exsangue après trois semaines et demi de troubles, l’État a décidé d’aider les TPE-PME et d’accompagner le chômage partiel. Des engagements que le patronat et les élus locaux jugent « insuffisants » pour éviter la casse sociale.

Pour les chefs d’entreprise du Caillou, la priorité est au retour durable au calme après l’arrêt presque complet, depuis la mi-mai, de l’activité économique, qui reprend péniblement depuis une semaine.

« On ne va pas reconstruire sur des braises encore fumantes », a prévenu jeudi la présidente du Medef NC, Mimsy Daly, devant Ducos Factory, un ensemble de 10.000 mètres carrés situé dans le quartier du même nom à Nouméa. Ici bat le coeur économique et industriel de l’archipel, particulièrement touché par les exactions commises depuis le début des émeutes.

« La situation n’est pas du tout réglée au niveau de la circulation, de la sécurité. On attend que les parties prenantes annoncent la fin des violences et la fin des blocages », a indiqué la patronne des patrons calédoniens.

Chaque jour, le tribut économique des émeutes s’alourdit au fil des expertises. Le haut-commissaire de la République, représentant de l’État dans l’archipel, l’a évalué vendredi à plus de 1,5 milliard d’euros, pour 570 entreprises totalement ou en quasi-totalité détruites.

Selon le haut-commissaire Louis Le Franc, cela représente une perte directe d’environ 6.000 emplois, sans compter les salariés au chômage partiel dans les semaines à venir – près de 15.000, d’après les premières estimations du gouvernement calédonien.

Au total, donc, plus de 20.000 emplois du privé, sur les 68.000 que l’archipel comptait avant la crise, sont touchés.

Des chiffres « considérables », a reconnu le représentant de l’État, qui garde toutefois l’objectif que « tous ces emplois soient sauvés ».

« Il faut redonner de l’espoir et de la visibilité », a martelé Louis Le Franc.

– Contrats à l’arrêt –

Un fonds d’aide d’urgence annoncé par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vise à soutenir les entreprises encore en mesure de fonctionner. A l’instar des aides mobilisées pendant la crise du Covid-19, ce fonds permettra d’apporter une somme plafonnée à 9.000 euros par TPE-PME sur un mois et demi.

« Est-ce que c’est suffisant? La réponse est non, bien sûr », estime Mimsy Daly.

« Cela couvre à peine mes charges. Pour mes salariés, je ne sais pas quoi faire. Tous mes contrats sont à l’arrêt. Si je n’ai pas d’autres solutions très rapidement, je vais devoir réfléchir au chômage », confie anonymement à l’AFP une cheffe d’entreprise dont les comptes étaient sains jusqu’à présent.

Même constat pour l’accompagnement financier du chômage partiel, alors que Bercy prévoit une participation égale de l’État et des collectivités calédoniennes.

« Clairement, l’État n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation du point de vue économique et social », déplore auprès de l’AFP Nicolas Metzdorf, député Renaissance et élu non-indépendantiste au Congrès calédonien.

L’instance délibérante de l’archipel a de son côté adopté de premières mesures visant à permettre le report d’échéances fiscales et de cotisations. A cette occasion et en réaction aux annonces des aides de l’État, les élus se sont inquiétés de la capacité des comptes publics calédoniens à assumer toutes ces dépenses.

« Le budget de la Nouvelle-Calédonie est dans une situation catastrophique. Nous n’avons pas les ressources suffisantes » et « dans cette période de crise extraordinaire que l’on traverse, nous avons absolument besoin de la solidarité nationale », plaide Philippe Michel, du groupe non-indépendantiste Calédonie ensemble.

L’enveloppe proposée par l’État pour les aides d’urgence et l’accompagnement du chômage partiel représente un montant global de 100 millions d’euros. Un effort « largement insuffisant », a jugé samedi le président indépendantiste de la Nouvelle-Calédonie Louis Mapou, dans un discours retransmis sur les chaînes de télévision locale.

« C’est une première approche, une base de travail », a concédé Louis Le Franc. « Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que l’État ne laissera tomber aucune entreprise. Donc le chiffre (de 100 millions), il va certainement bouger ».

Un comité de suivi mis en place par le ministre de l’Économie est chargé d’affiner ces premières aides et d’engager un travail, au cas par cas, pour les entreprises de plus grande taille, qui font l’objet de besoins spécifiques.

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