Déçus, des pêcheurs français ont fait planer dans la soirée la menace d’actions contre les importations de produits britanniques.
La France avait dit vendredi attendre « un geste de bonne volonté » de Londres pour poursuivre les discussions, après avoir menacé d’engager à son encontre une procédure au niveau européen si aucune avancée n’était enregistrée dans la journée.
« Hier soir, après avoir reçu des éléments justificatifs additionnels de la part de la Commission européenne, le Royaume-Uni a accordé 18 licences à des navires de remplacement », a indiqué à l’AFP un porte-parole du gouvernement britannique. Une annonce confirmée par la Commission, qui négocie au nom de la France.
Ces nouveaux bateaux, qui prennent la place de navires pêchant auparavant dans les eaux britanniques mais dont Londres contestait l’antériorité, sont la principale pierre d’achoppement des discussions avec Paris.
« Un travail technique plus approfondi se poursuit sur sept demandes supplémentaires concernant des navires de remplacement et devrait se conclure lundi », a ajouté le porte-parole britannique.
Par ailleurs, l’île anglo-normande de Jersey, qui octroie ses licences de manière indépendante, a approuvé samedi cinq nouvelles licences pour les pêcheurs français, a annoncé son gouvernement.
Au total, l’île a délivré jusqu’à présent 130 licences. Sa voisine Guernesey avait délivré début décembre une quarantaine de licences.
Selon le porte-parole britannique, ces décisions « concluent la période de pourparlers intensifs » des derniers jours entre Londres et la Commission.
-« Long processus »-
La France a toutefois prévenu qu’elle allait continuer à « travailler conjointement » avec la Commission pour obtenir les 81 licences encore manquantes.
Paris et Bruxelles vont ainsi « faire valoir des preuves que les Britanniques s’engagent à analyser dans les prochaines semaines », ont indiqué dans un communiqué commun la ministre de la Mer Annick Girardin et le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune.
« Une méthodologie claire et partagée pour les navires remplaçants est par ailleurs indispensable », ont-ils relevé.
En vertu de l’accord signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant.
Mais depuis plus de onze mois, Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir, notamment pour les nouveaux chalutiers.
Avec les 23 approbations annoncées samedi, la France a jusqu’ici obtenu 1.027 licences de pêche post-Brexit.
« Nous allons examiner (…) la base légale de chaque demande de licence non encore approuvée », a souligné samedi le commissaire européen à la Pêche Virginijus Sinkevicius.
La Commission s’était montrée vendredi confiante sur la conclusion rapide d’un compromis, rappelant que 95% des demandes de licences avaient déjà reçu une réponse positive.
– Pêcheurs « délaissés » –
Bruxelles avait demandé à Londres de régler le litige des droits de pêches avant vendredi 10 décembre, Paris faisant de cette date un ultimatum, menaçant d’une procédure en contentieux et fustigeant les « manoeuvres dilatoires » du Royaume-Uni.
Jeudi soir, le Royaume-Uni avait néanmoins sèchement rejeté l’échéance. « Nos décisions resteront guidées par la qualité des justificatifs fournis », avait expliqué vendredi un porte-parole du gouvernement britannique.
De leur côté, les pêcheurs des Hauts-de-France ont exprimé samedi leur déception face au nombre de licences non encore approuvées, s’estimant « délaissés par la Commission ». Le comité des pêches maritimes de la région a annoncé dans un communiqué des actions prochaines contre les importations britanniques.
Le comité national des pêcheurs a aussi fait état de la « déception » et de la « colère » de ses membres.
Le comité « espère encore » que de nouvelles licences arrivent d’ici lundi. Ensuite, « il faudra réfléchir aux modalités d’actions », a prévenu Jean-Luc Hall, le directeur général du comité national.
Les pêcheurs français avaient déjà exprimé leur colère en organisant en mai un blocus de Jersey, puis plus récemment en bloquant des ports et le terminal fret du tunnel sous la Manche.
L’annonce britannique de samedi intervient à la veille d’une réunion, dimanche à Bruxelles, des ministres européens responsables de la pêche pour fixer les quotas de captures pour 2022 dans les eaux de l’UE.
Des négociations sont parallèlement en cours entre la Commission et Londres pour fixer d’ici à fin décembre des quotas annuels pour les eaux partagées par l’UE et le Royaume-Uni.
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