Piloter à 17 ans: le bac pro transport fluvial a le vent en poupe

Schiltigheim, 16 mai 2023 (AFP) – « Larguez les amarres » : près de Strasbourg, des lycéens se forment aux métiers « en tension » du transport fluvial, avec un bac pro, les mains sur le gouvernail, qui ravit les employeurs.

En cette matinée pluvieuse, une dizaine d’élèves de terminale du bac professionnel transport fluvial du lycée polyvalent Emile-Mathis de Schiltigheim (Bas-Rhin) se relaient de postes en postes sur le « Prinses Irene », le bateau-école de l’établissement, un bâtiment long de 54 mètres.

Les lycées professionnels ont été érigés en « cause nationale » début mai par le président Emmanuel Macron, qui a annoncé un milliard d’euros supplémentaires chaque année pour la filière.

Chaperonnés par trois enseignants, les élèves sont partis pour une journée de navigation sur le Rhin et les bassins du port de Strasbourg.

Dans la timonerie, c’est au tour de Quentin Guillaume, 18 ans, d’être aux commandes pour quelques dizaines de minutes.

Cette formation, « c’est quelque chose qui me plaît vraiment », explique le jeune homme. A la clé, « il y a du travail » et « des voyages partout en Europe (…), ça permet de visiter plein de lieux ».

Ce cursus est l’un des seuls en France à proposer une formation aux métiers du transport fluvial, avec le bac pro de Montélimar (Drôme) et le CFA de la navigation intérieure à Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines), explique Didier Lutz, leur professeur de navigation.

– « Mercato » –

Objectif : en trois ans, de la seconde à la terminale, préparer les élèves à travailler dans le transport fluvial de marchandises ou de passagers.

Récemment, l’établissement s’est doté d’un impressionnant simulateur de conduite fluviale : financé à hauteur de 250.000 euros par la région Grand Est, il reproduit une cabine de pilotage et permet d’évaluer les élèves sur une large gamme de situations.

La navigation fluviale, Luca Feidt, 17 ans, est tombé dedans tout petit : « mon père était proviseur du lycée » et « je suis allé sur le +Prinses Irene+ quand j’avais sept ans. Depuis, je n’ai plus pensé qu’à ça (…) Une vraie passion », explique cet élève de première, qui se verrait bien un jour sur un « bateau passagers (…) sur les grands fleuves ».

En sortant de cette filière, les bacheliers ne disposent pas du permis de piloter mais sont opérationnels pour plusieurs autres postes, homme de pont par exemple. Puis, au bout de quelques années à naviguer, ils pourront passer leur permis, auquel Emile-Mathis prépare également lors de « sessions intensives », explique M. Lutz.

Selon lui, ce bac pro est un vrai sésame pour l’emploi dans un secteur où « on cherche du personnel un peu partout (…) En début de saison, un mercato se met en place, les compagnies surenchérissent pour récupérer les capitaines des autres entreprises ».

Le durcissement récent des normes européennes, plus exigeantes sur le nombre de jours de navigation nécessaires à la formation des pilotes, suscite « une tension au niveau (de ces) emplois », indique-t-on auprès d’Entreprises Fluviales de France (E2F), qui représente les professionnels d’un secteur (artisans bateliers, armateurs, croisiéristes…) qui regroupe un millier d’entreprises et emploie près de 8.000 salariés.

– Filière « méconnue » –

Autre élément : depuis le Covid, la « montée en puissance du tourisme fluvial » nécessite encore plus de personnels qualifiés pour piloter les bateaux qui sillonnent les fleuves européens, selon E2F : au total, « il nous manque environ 10% de nos effectifs, tous postes confondus ».

La filière demeure pourtant « méconnue » en France, constate Philippe Rivieyran, proviseur du lycée. « Aux Pays-Bas, il y a une vraie culture. En France, on a beaucoup de canaux, une large façade de maritime mais on connaît très mal ces métiers ».

Les dernières années ont en outre été chahutées par les confinements et le lycée n’a pas pu organiser correctement de journées portes ouvertes. Résultat : des promotions moins fournies, en dessous des 72 élèves que peut accueillir le cursus sur les trois années.

C’est pourtant « clairement une filière d’avenir. Il n’y a qu’à voir les yeux doux que nous font les entreprises », glisse M. Rivieyran.

Des « yeux doux » qui se manifestent parfois avant même la fin du cursus : admis en première après un BTS et une année d’intérim, Alexandre Kany, 21 ans, sort d’un « stage en +passagers+ » : « mon CV leur a plu, ils ont déjà émis le souhait de m’engager… »

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