Sur la Garonne rédecouverte à Bordeaux, le trafic fluvial revit

Un paquebot de 600 passagers, véritable immeuble flottant de sept étages, amarré à une encablure des façades 18e siècle classées par l’Unesco, près desquelles s’attarde un bateau-mouche pour un « apéro-vigneron » au crépuscule, non loin du ponton des bateaux-taxis: les sillages s’accumulent entre les ponts de Bordeaux.

« Bon, c’est pas encore la Seine à Paris, c’est sûr », rigole Philippe Canel à la barre de l’Aquitania, bateau-mouche de 150 places, qui navigue sur la Garonne depuis une décennie et voit à présent la concurrence fleurir. Ce n’est pas non plus un retour aux gravures du 19e siècle, montrant des dizaines de bateaux, gabares, gondoles, décharger au coeur de ce qui était alors un des premiers ports de France, bien qu’à 60 milles de la pleine mer.

Mais le cours de l’ample et capricieuse Garonne se repeuple. Sur ses 480 m de large, malgré l’impressionnant marnage de 5-6 mètres entre marées, malgré ses eaux boueuses, ses tourbillons et ses traîtres bois flottés, elle attire les convoitises, les opérateurs touristiques, les projets d’infrastructure.

Depuis deux ans, CroisiEurope, leader européen de la croisière fluviale, a drainé 17.000 passages sur des circuits de cinq à huit jours, avec des escales comme Bordeaux, Pauillac, Blaye, Saint-Emilion. La compagnie a amené un second navire de 176 places en avril, et deux concurrents, Viking et Uniworld, l’imiteront en 2014. « En 2016-17, on aura une bonne dizaine de paquebots de croisière fluviale » offrant des circuits sur la Garonne depuis Bordeaux, prédit M. Delaux.

« Bordeaux river »

Au fait, Garonne, Dordogne, ou Gironde? Les fleuves s’unissent et les noms se bousculent à et autour de Bordeaux. « Les opérateurs étrangers disent +Bordeaux River+, et ont raison, c’est moins compliqué, cela parle plus », résume Julien Marcotte, de Gens d’estuaire, un opérateur local qui depuis trois ans propose des circuits à la journée, thématiques (vignobles, îles de l’estuaire), charriant 28.000 passagers par an avec leurs deux bateaux.

« Bordeaux River », marque attractive ? Pour les Bordelais d’âge mûr, c’est rien moins qu’une révolution, eux qui n’oublient pas les quais noircis des années 70-80, aux entrepôts à l’abandon à mesure que l’activité portuaire cessait ou s’exilait. Des quais alors grillagés, quasi-inaccessibles au public.

La reconquête s’est faite par ces quais, l’un des chantiers impulsés dans la décennie 1995-2005 par le maire Alain Juppé, souligne son adjoint au Tourisme Stéphane Delaux.

Entrepôts rasés, promenades aménagées, tramway, piste cyclable, parterres fleuris, aires de jeux. « Le regard des Bordelais s’est tourné vers le fleuve mis en valeur, une fois les quais transformés. L’étape suivante était naturellement la transformation de la vie du fleuve lui-même », explique-t-il.

Des opérateurs ont saisi la balle au bond. Etrangers mais locaux aussi, car un noyau d' »amoureux de la Garonne » sent le potentiel, y compris auprès de « 80% de Bordelais qui n’ont jamais mis le pied sur leur fleuve », évalue Julien Marcotte, d’après un retour clientèle.

Des châteaux en bord de fleuve pressentent l’escale-aubaine, et s’apprêtent à aménager ou retaper des pontons, comme Château Loudenne en Médoc.

La ville de son côté s’active dans l’événementiel: la Fête du fleuve draine tous les deux ans 300.000 personnes sur les quais, autour de vieux gréements, et cette année la Solitaire du Figaro s’est offert un départ inédit en pleine ville.

Alors qu’une dizaine de pontons sont en gestation, avec des projets de restauration, de bibliothèque, de clubs nautiques, opérateurs et institutionnels en sont convaincus: la Garonne redeviendra « l’artère battante » de la ville.

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