Tragédie de l’immigration à Lampedusa: un naufrage fait 130 morts et 200 disparus

Selon les autorités, le navire parti de Libye transportait 450 à 500 migrants et seulement 150 environ ont été sauvés, ce qui laisse craindre un bilan d’environ 300 morts.

“On n’a plus de place, ni pour les vivants ni pour les morts”, a déclaré, effondrée, la maire de Lampedusa, Giusi Nicolini. “C’est une horreur, une horreur; ils n’arrêtent pas d’apporter des corps”.

Au moins 40 nouveaux cadavres ont été découverts par des plongeurs des garde-côtes, dans et autour de l’embarcation, qui gît retournée à une quarantaine de mètres de profondeur. Des médias ont parlé d’une centaine de corps dont ceux de femmes et d’enfants, venant alourdir un bilan officiel précédent de 93 morts.

“C’était tragique de voir les corps des enfants”, a indiqué à l’antenne de la télévision Sky TG24 Pietro Bartolo, un responsable sanitaire de l’île, très ému, en indiquant que Lampedusa “n’a pas assez de cercueils” et a dû en faire acheminer par avion.

Rome a décrété vendredi “deuil national” et une minute de silence sera observée dans toutes les écoles ainsi qu’avant tous les matchs de foot du championnat.

Le vice-Premier ministre Angelino Alfano, dépêché sur place, a donné des précisions sur les circonstances du drame. Les migrants, en majorité des Somaliens et Erythréens, étaient partis des côtes libyennes. L’accident s’est produit “à 0,3 mile nautique (550 mètres)” de la côte, a-t-il dit.

Leur bateau de pêche a commencé à prendre l’eau et “de peur qu’il ne coule, les migrants ont enflammé une couverture (pour attirer l’attention, ndlr), mais cela a provoqué un incendie puis le navire a chaviré”, selon M. Alfano.

“Un océan de têtes”

Un pêcheur, Rafaele Colapinto, a expliqué sur Sky TG24 être venu en aide à des migrants: “On a vu un océan de têtes, on a mis une demi-heure pour embarquer chacun d’entre eux car ils étaient glissants à cause du gasoil”.

Sur le port s’alignent des dépouilles, enveloppées dans des sacs mortuaires verts. Faute de place, elles sont ensuite transportées dans un hangar de l’aéroport.

Une jeune Erythréenne encore en vie a été retrouvée parmi eux, après qu’un sauveteur a remarqué qu’elle respirait encore. Placée en réanimation à l’hôpital de Palerme, elle se trouve dans un état grave, désydratée, en hypothermie, atteinte d’une pneumonie après avoir ingéré, comme les autres victimes, du gazole échappé du bateau.

Mme Nicolini a envoyé un télégramme amer au Premier ministre Enrico Letta lui demandant de “venir compter les morts avec (elle)” et a accusé l’Europe de “détourner le regard (..) face à l’énième massacre d’innocents qui a lieu devant (son) île”. Elle a rappelé que Lampedusa, plus proche des côtes nord-africaines que de la Sicile, est “depuis des années” la destination des immigrés clandestins.

“C’est un drame européen, pas seulement italien”, a expliqué M. Alfano, en demandant que l’Italie, où ont afflué 25.000 migrants cette année (trois fois plus qu’en 2012), puisse étendre ses patrouilles “au-delà de ses eaux territoriales”.

La ministre de l’Intégration Cécile Kyenge, originaire de République démocratique du Congo et première Noire dans un gouvernement italien, a réclamé une coordination européenne pour instaurer “des couloirs humanitaires afin de rendre plus sûres ces traversées sur lesquelles spéculent des organisations criminelles”.

Un jeune Tunisien, recueilli lui-aussi, aurait été reconnu par les survivants comme l’un des passeurs, a été arrêté par la police.

“Une honte”

Le président italien Giorgio Napolitano a demandé à “l’Europe de stopper le trafic criminel d’êtres humains en coopération avec les pays de provenance” et a jugé “indispensable la surveillance des côtes d’où partent ces voyages du désespoir et de la mort”.

Le pape, qui s’était rendu pour son tout premier voyage hors de Rome à Lampedusa début juillet, a parlé de “honte” face aux “nombreuses victimes de cet énième naufrage”.

Selon le réseau d’ONG Migreurop à Paris, en vingt ans, 17.000 migrants sont morts en tentant de rallier l’Europe. La dernière tragédie la plus meurtrière remonte à juin 2011 quand 200 à 270 migrants originaires d’Afrique subsaharienne et fuyant la Libye s’étaient noyés en tentant de gagner Lampedusa.

Voir les autres articles de la catégorie

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.

5 MOIS EN ANTARCTIQUE