SeaOrbiter, le « génie français » au service de la planète bleue

Par Francis Vallat. Fondateur et Président d’honneur des clusters maritimes français et européen, Académicien de Marine.

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Conçu il y a plus de vingt ans, le projet fou, digne de Jules Verne, de l’architecte naval Jacques Rougerie prend corps, porté par de prestigieux acteurs du maritime comme CMA CGM. Présentation.  

La mer toujours recommencée… Depuis des décennies que je participe à la vie de la France maritime, j’ai vu disparaître des entreprises ou des activités que l’on pensait d’une solidité à toute épreuve. J’ai vu naître et grandir de belles aventures (Ponant, CMA CGM, Zéphyr et Borée…) auxquelles bien peu croyaient au départ, mais c’était sans compter avec la foi combattante de leurs créateurs. J’ai vu aussi revivre des fleurons que chacun pensait condamnés pour immobilisme ou sclérose (Bureau Veritas, Chantiers de l’Atlantique…) s’adaptant, redevenant des conquérants et même des fiertés nationales. Là encore grâce à l’opiniâtreté, à l’inventivité, et au courage de leurs dirigeants et de leurs personnels. Avec dans tous les cas un atout-maître au départ : le leadership d’un Visionnaire, doté d’une volonté inébranlable et insensible aux affres de Sisyphe. Et puis il y a ces projets disparaissant et renaissant sans cesse, fascinants tant ils sortent de l’ordinaire, auxquels on a envie de croire sans y arriver vraiment. Ces projets un peu fous dont on se dit qu’ils ne pouvaient naître que du cerveau d’un artiste à la fois talentueux et passionné d’océan, et dont on doute malgré soi qu’ils puissent allier beauté esthétique et efficacité au service de la « cause mérienne ».

Ainsi en est-il du projet SeaOrbiter de l’architecte et géographe Jacques Rougerie, un projet auquel j’ai toujours cru depuis plus de vingt ans, qui deux fois au moins a été au bord d’émerger concrètement, mais qui, les deux fois, a dû faire face aux imprévisibles vents contraires des promesses non tenues ou de circonstances chamboulées. Aujourd’hui c’est pour aider à incarner ce « rêve » possible que j’ai décidé d’épauler autant que possible le commando de professionnels constitué autour de lui par Jacques Rougerie. En y croyant plus que jamais au moment où se sont engagés concrètement des acteurs professionnels prestigieux comme CMA CGM (et où d’autres se mettent en ordre de bataille). Comment accepter en effet — alors que la connaissance et la protection de l’Océan sont enfin devenues une priorité absolue — que SeaOrbiter ne pourrait pas déployer bientôt ses exceptionnelles capacités ? Comment ignorer que les organisations scientifiques internationales les plus réputées ont voulu témoigner de leur soutien ? 

De multiples capacités 

De fait les multiples capacités de ce vaisseau scientifique d’avenir sont éloquentes : première station de recherche océanographique internationale ; première plateforme scientifique pluridisciplinaire habitée ayant la capacité d’analyser et échantillonner la colonne d’eau, 24/24 et 7/7, de la surface aux grandes profondeurs et sur de longues durées ; premier vaisseau océanographique dérivant permettant de suivre les grands courants marins ; premier habitat-laboratoire sous-marin habité et mobile. Il offre, en outre, de nouvelles possibilités totalement originales autour du lien mer-espace. En étant, par exemple, le premier simulateur spatial de plein océan, offrant ainsi aux agences spatiales (des contacts sont établis avec le CNES, la NASA, l’ESA ente autres) une capacité unique de type « Analog », et permettant d’entraîner des astronautes ou de tester des protocoles et des technologies en conditions extrêmes et complexes. Ou encore en devenant la première station mer-espace permettant de mettre en œuvre des protocoles de calibration-validation, « in situ », des données collectées par les réseaux de satellites mondiaux observant la Terre et l’Océan (vents, vagues, courants)

Comment ne pas croire, au vu de ces capacités, que SeaOrbiter pourra bientôt mettre en œuvre la feuille de route inspirée par ses quatre objectifs affichés : comprendre l’écosystème (explorer l’Océan pour découvrir les 90% encore inconnus) ; développer des connaissances (analyser à grande échelle la dynamique et les échanges océan-atmosphère) ; éduquer pour harmoniser (encourager la vie en symbiose avec l’océan en comprenant notre position dans cet écosystème) ; développer des solutions (trouver des réponses, énergie, alimentation, santé…) ? Comment ne pas comprendre que la dérive lente à l’interface océan-atmosphère, combinée à la possibilité d’accéder à des profondeurs cruciales, en fera le navire idéal pour explorer la fameuse « zone crépusculaire », largement ignorée aujourd’hui ? D’autant que le mouvement sera silencieux, permettant d’observer et collecter sans perturber l’environnement, et en outre que les missions pourront être de longue voire très longue durée (puisqu’il n’y aura pas besoin de revenir au port pour réapprovisionner), l’avantage évident étant que cela permettra d’explorer en continu des profondeurs généralement inaccessibles très longtemps…  Comment enfin ne pas remarquer que l’intégration à bord d’un véritable laboratoire pressurisé permettra l’analyse précise des données sans risque de contamination ?

Un laboratoire grandeur nature

SeaOrbiter devrait, par ailleurs, être un champion de la décarbonation. À commencer par les énergies, bien au-delà des éoliennes ou panneaux solaires prévus depuis l’origine. Actuellement la R&D vise plusieurs axes : biogaz, gaz de synthèse, hydrogène, bio-carburants ou de synthèse de troisième génération, avec le but d’être parfaitement aligné sur la trajectoire de l’Organisation maritime internationale (OMI). Sans compter qu’en travaillant avec de grands acteurs comme les équipes de CMA CGM-énergies, le vaisseau pourra servir de plateforme de tests d’innovations technologiques (propulsion, techniques de stockage, principes d’alimentation, pile à combustible…)

En matière de technologies nouvelles, SeaOrbiter pourra servir de laboratoire grandeur nature pour certains tests (propulsion, modèles de dérives…), en rappelant que le spatial joue un grand rôle dans ce domaine, les données d’observation de la Terre par des satellites permettant par exemple de modéliser les techniques de routage. Et il y a évidemment tous les progrès attendus pour la science océanographique proprement dite : compréhension du cycle du carbone et de ses mécanismes d’absorption en milieu naturel, analyse des échanges gazeux à la surface, mécanismes de développement du plancton etc…etc.. mais aussi évaluation des politiques publiques de décarbonation et des stratégies développées par les industriels. Last but not least, le projet global SeaOrbiter a été conçu pour répondre à une ambition plus large : celle de  mieux comprendre notre planète bleue. Il devrait en effet s’articuler plus tard autour de sept unités (sept sentinelles) dérivant dans chaque grand espace maritime, assurant la connaissance et la surveillance scientifique en temps réel de l’Océan

Le soutien affiché de la communauté scientifique mondiale n’est donc pas étonnant, à commencer par celui de la Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI,) le plus grand centre de recherche océanographique international), par l’intérêt également de la Scripps Institution (deuxième grand organisme mondial de sciences marines biologiques), ou l’adhésion en cours de SeaOrbiter au Partnership for Observation of the Global Ocean (POGO). Auxquels il faut bien sûr ajouter les coopérations prévues ou en cours avec Ifremer, Geomar, l’Institut Max Planck et bien d’autres, ou encore les soutiens de nombreuses personnalités aussi respectées que Peter Thomson ou encore Françoise Gaill, la pionnière de l’IPOS (Plateforme internationale pour la durabilité de l’Océan). Oui, avec SeaOrbiter, la France disposera d’un atout irremplaçable.

 

 

Marine & Oceans
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La revue trimestrielle MARINE & OCÉANS est éditée par la "Société Nouvelle des Éditions Marine et Océans". Elle a pour objectif de sensibiliser le grand public aux principaux enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile.   Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu'aux échanges. Les ressources qu'ils recèlent sont à l'origine de nouvelles ambitions et, peut-être demain, de nouvelles confrontations.

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