2022 a poursuivi la promotion du mot « décarbonation » autrement dit la réduction de la consommation d’énergies primaires émettrice de gaz à effet de serre. S’il produit moins de gaz à effet de serre que le transport routier et le transport aérien, le transport maritime, soumis à une pression règlementaire croissante, s’est saisi de cet objectif. Explications.
Par Jean-Baptiste Boutillier
Directeur de l’Innovation du groupe GTT
Le contexte géopolitique international vient bousculer les acquis de l’approvisionnement énergétique. Ce changement de paradigme, qui survient simultanément avec une prise de conscience croissante du dérèglement climatique, encourage le volontarisme des différents acteurs politiques et économiques vers plus de sobriété énergétique et une réduction de l’intensité carbone des besoins énergétiques.
Cette évolution est notamment à l’œuvre dans le monde maritime qui connait une pression règlementaire croissante aux niveaux international et régional. Les règlements sur l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction en valeur absolue des émissions de gaz à effet de serre se multiplient. L’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté une règlementation sur l’amélioration de l’efficacité énergétique de 40% en 2030 et 70% en 2050 par rapport à 2008, et renforcé ces mesures avec l’adoption d’indicateurs : le CII pour l’intensité carbone et l’EEDI pour l’efficacité énergétique. Au niveau régional, l’Union européenne a adopté une feuille de route ambitieuse, « FIT for 55 », afin de réduire les émissions de 55% en 2030, par rapport à 1990.
GNL et méthanol
Face à la multiplication de ces mesures, les armateurs investissent de façon croissante dans des navires propulsés avec des carburants alternatifs ou Dual Fuel. En 2022, le nombre de navires Dual Fuel est passé de 6% à 9% du carnet de commandes mondial et représentent 22% des navires commandés cette année. Le mouvement s’accélère. Le choix des armateurs se porte essentiellement sur le GNL (Gaz naturel liquéfié), qui permet de réduire les émissions de CO2 de 20% dès la livraison du navire. Certains armateurs font le choix du méthanol qui émet toujours du CO2 (environ 22% de plus qu’un navire propulsé au GNL). En effet, la réduction des émissions du méthanol ne sera effective que lorsque ce dernier sera du méthanol vert (qui n’existe pas encore), et lorsque la réglementation ne considèrera plus seulement les émissions directement émises par le navire (tank to wake, du réservoir au sillage), mais sur l’ensemble du cycle de vie du carburant (well to wake, du puits au sillage).
Hydrogène liquide
Les grands énergéticiens se préparent, quant à eux, à fournir de l’énergie verte en grandes quantités, et ils sont convaincus que la production massive d’énergie verte se fera de façon centralisée, nécessitant une solution de transport vers le lieu de consommation de cette énergie. L’hydrogène constitue de ce point de vue un vecteur énergétique particulièrement adapté. C’est pourquoi ces grands groupes demandent, à GTT notamment, de concevoir les solutions technologiques qui permettront, demain, de stocker et transporter l’hydrogène liquide à grande échelle.
Le transport de l’hydrogène liquide est complexe dans la mesure où sa température est seulement 20°C au-dessus du zéro absolu, sa molécule étant par ailleurs la plus petite de l’univers. GTT, dont la spécialité est le confinement cryogénique des gaz liquéfiés et dont les solutions technologiques ont permis le transport de GNL en toute sécurité depuis près de 60 ans, est idéalement placé pour relever ces défis. GTT travaille aujourd’hui sur des solutions de confinement de l’hydrogène liquide, une première étape majeure ayant été franchie il y a quelques mois, avec l’approbation de principe de la société de classification DNV. Le chemin à parcourir est encore long pour faciliter la décarbonation du monde de l’énergie et de nombreuses innovations restent à faire pour permettre le développement de cette solution logistique à grande échelle, et enregistrer une première commande d’« hydrogénier » avant la fin de la décennie.
Jean-Baptiste Boutillier qui a commencé sa carrière chez CMA CGM, bénéficie de 17 ans d’expérience dans le monde du transport maritime. Il a activement participé à la construction et à la livraison de plus de 130 navires porte-conteneurs de 1 700 EVP à 23 000 EVP, et notamment aux études, à la construction et à la livraison des navires Dual Fuel dotés de la technologie GTT pour les cuves GNL. Il est titulaire d‘un diplôme d’ingénieur de l’École Polytechnique (X98) et de l’ENSTA (promo 2003), ainsi que d’un EMBA (2012 – Euromed – Kedge Marseille).