« On a l’impression que la tendance baissière est en pilotage automatique », résume Sébastien Poncelet, spécialiste des céréales chez Argus Media France (cabinet Agritel).
« On a un marché du blé qui a effacé en deux mois la totalité de ses gains liés à l’abaissement des prévisions de récolte russe pour 2024, passées de 93 millions de tonnes fin avril à 80/82 millions de tonnes fin juin », souligne-t-il.
En reflux continu depuis début juin, la tonne de blé tendre remontait légèrement mercredi sur Euronext, s’échangeant dans l’après-midi autour de 224 euros sur l’échéance de septembre, la plus rapprochée. A la Bourse de Chicago, le boisseau (27 kg) pour livraison en juillet a clôturé mardi soir à 5,7 dollars (contre 7 dollars fin mai).
Aux Etats-Unis, « les moissons mettent les cours du blé sous pression » et les fonds d’investissement continuent à parier à la baisse, restant orientés à la vente, constate Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting.
Dans les grandes plaines américaines, la récolte est déjà à moitié réalisée. « Sur le blé, les premiers rendements sont bien meilleurs que prévu alors que le temps a pourtant été très sec durant la maturation. Et comme en Russie, les premiers chiffres de récolte sont aussi au-dessus des attentes, cela pénalise le (prix du) blé », analyse Arlan Suderman de la plateforme de courtage StoneX.
Il estime que « la maturation anticipée du blé va encourager une seconde culture de soja dans la partie sud du Midwest ».
Les observateurs américains du marché attendent avec impatience le rapport de vendredi du ministère américain de l’Agriculture (USDA) sur les stocks et assolements aux Etats-Unis, qui pourrait voir relevées les estimations de surface pour le maïs et le soja.
« J’ai des clients qui ont dû attendre début juin avant de semer du maïs et se sont finalement rabattus sur du soja. Je ne serais donc pas surpris de voir les surfaces de soja augmenter plus que prévu », commente Michael Zuzolo.
Après les récentes fortes pluies sur le nord du Midwest et dans la région des plaines, « l’état des cultures s’est dégradé, mais il reste meilleur que la moyenne historique. Les rendements sont donc encore attendus au-dessus de la moyenne et les stocks en hausse, ce qui pèse sur le maïs et le soja », observe Arlan Suderman.
– « Avantage » –
Les cours du maïs, qui ont clôturé en baisse mardi à Chicago à 4,25 dollars le boisseau (environ 25 kg), tendaient à se stabiliser sur le marché européen, s’échangeant mercredi juste sous la barre des 210 euros la tonne pour l’échéance d’août.
La pression baissière accompagnant le début des récoltes de céréales dans l’hémisphère Nord a incité quelques importateurs à revenir aux achats.
Après un gros achat début juin (800.000 tonnes de blé), l’Algérie a lancé un appel d’offre, sans doute plus modeste, pour ses ports de Tenes et Mostaganem. La Jordanie a récemment acheté 60.000 tonnes de blé meunier.
L’Egypte a elle acheté un important volume de 470.000 tonnes, entièrement en provenance de la mer Noire, la Roumanie et la Russie se taillant la part du lion, avec 180.000 tonnes chacune.
Evincée de l’appel d’offre précédent, la Russie s’est cette fois alignée sur les prix les plus bas et son « prix plancher officieux a volé en éclats », souligne le cabinet Inter-Courtage, relevant que le prix russe négocié le plus bas s’est établi à 246 euros la tonne, fret compris, soit environ 19 euros moins cher que l’offre française.
Si elle n’a pas encore encouragé un retour massif des acheteurs sur la scène internationale, la baisse des cours a « un avantage », souligne Edward de Saint-Denis, du cabinet Plantureux & Associés: « cela va faire baisser l’inflation des prix alimentaires et à terme soulager les consommateurs ».