«Le trafic maritime est la cause principale de pollution atmosphérique en océan ouvert. Ainsi sur la route Sri Lanka-Sumatra-Chine, une des plus fréquentée au monde, la concentration atmosphérique en NO2 (dioxyde d’azote) mesurée par satellite a augmenté de 50% entre 1997 et 2010. En pleine mer, les bateaux constituent le vecteur majeur de pression anthropique sur le milieu, que ce soit en terme de pollution atmosphérique et sonore (important pour les mammifères marins notamment), ou d’impact sur les écosystèmes. Il est donc primordial de pouvoir quantifier aussi précisément que possible l’évolution du trafic. Notre étude est la première qui présente un état des lieux mondial de la navigation maritime sur une longue période» explique l’auteur de la publication, Jean Tournadre, chercheur au Laboratoire d’Océanographie Spatiale du centre Ifremer Bretagne à Brest.
Ce niveau d’analyse a été rendu possible grâce à l’altimétrie satellite, technique radar habituellement utilisée pour mesurer par satellite le niveau de la mer, les courants océaniques et la topographie du fond de l’océan.
«Pour étudier les icebergs, nous utilisons déjà une méthode similaire de traitement des données de missions altimètriques passées et présentes. Nous avons réalisé que nous pouvions aussi utiliser ces données altimètres pour analyser l’évolution du trafic des navires et donc de la pression anthropique sur l’océan» souligne Jean Tournadre.
Une hausse du trafic qui s’accélère
Sur la période 1992-2012, l’analyse des données de sept satellites montre une forte augmentation du trafic maritime: «La densité de bateaux, c’est-à-dire leur présence en mer, a pratiquement quadruplé. La pression s’est particulièrement accrue dans l’océan Indien, notamment dans le golfe du Bengale et la mer d’Arabie et dans les mers de Chine» constate le chercheur.
Dans les autres bassins, en particulier l’Atlantique nord, le Pacifique nord et la Méditerranée, la hausse est certes moins forte mais reste comprise entre 100% et 200%. Toutes les routes maritimes (même celle des bateaux de croisière entre l’Europe et les Caraïbes) connaissent une croissance significative. Seule exception, le large de la Somalie où la piraterie a pratiquement stoppé le trafic depuis 2006.
«Les données satellites permettent une analyse fine de l’évolution de la densité de bateaux. Ces données illustrent également le changement du rythme de croissance de l’ordre de 6 % entre 1992 et 2002, jusqu’à 8% à 10% par an entre 2002 et 2012, ainsi que la quasi stagnation durant la crise économique de 2008-2009 », remarque Jean Tournadre.
Source : www.ifremer.fr
(1) Le terme « trafic maritime » correspond dans cette étude à la densité de bateaux, c’est à dire leur nombre sur mer par unité de surface, et n’est pas restreint au transport de marchandises et de passagers.
(2) Jean Tournadre. Anthropogenic pressure on the open ocean: The growth of ship traffic revealed by altimeter
data analysis. Geophysical Research Letters. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/2014GL061786/abstract