« On était très contents d’avoir le programme australien. On était tous fiers de l’avoir. La perte de ce contrat, l’état d’esprit c’était un choc pour nous », estime Vincent Raoul, 41 ans, jeune manager, heureux de pouvoir désormais tourner la page.
Naval Group avait été sélectionné par Canberra pour la fourniture de douze sous-marins pour un montant global de 31 milliards d’euros, une commande qualifiée de « contrat du siècle ». Mais contre toute attente, l’Australie avait finalement conclu un partenariat avec les États-Unis en septembre.
Sur le gigantesque site de chantiers navals, véritable ville dans la ville à Lorient, avec ses rues, ses halls et bâtiments animés par le vacarme continu des machines et de ses ouvriers s’affairant à découper et former les tôles, l’heure est de toute évidence aux célébrations.
– Des centaines d’emplois sécurisés –
Dans le grand hall de fabrication, baigné d’une lumière voilée, on célèbre la mise sur cale en grande pompe de la première frégate nouvelle génération.
Depuis l’étage, plusieurs dizaines de salariés, casques blancs de protection sur la tête assistent à la cérémonie en présence de responsables de l’État, du ministère des Armées, du gouvernement grec et d’une dizaine de journalistes grecs.
Cinq de ces frégates de défense et d’intervention (FDI) de 4.500 tonnes, capables d’opérer de manière furtive en mer, pour accompagner des « navires précieux » comme les porte-avions, ou d’opérer dans la lutte antiterroriste, ont été commandées par l’État pour le compte de la Marine nationale, et trois par la Grèce.
Ces navires doivent prendre la relève des FREMM, frégates d’anciennes générations dont dix bâtiments ont été produits à Lorient.
Selon Naval Group qui compte 17.000 salariés dans le monde, les huit commandes de frégates, avec une quatrième en option pour la Grèce, vont permettre de sécuriser quelque 1.300 emplois à Lorient ainsi qu’un millier d’emplois chez les sous-traitants.
L’accord entre la Grèce et la France, d’un montant de trois milliards d’euros, avait été signé le 28 septembre dans le cadre d’un « partenariat stratégique » en Méditerranée, permettant à Emmanuel Macron de vanter l’Europe de la défense.
« Maintenant on remonte avec le programme pour la Grèce. On a eu des informations, récemment où on était susceptible de perdre ce contrat, mais je ne le pense pas. Pas après la journée qui vient de se passer », souligne Vincent Raoul, qui compte 18 ans dans l’entreprise, essentiellement comme soudeur, interrogé dans un atelier.
– « Du baume au coeur » –
« Effectivement la Grèce nous a donné du baume au coeur. Et beaucoup d’espoir maintenant, pour maintenir une activité sur le site. On en a besoin, c’est nécessaire », renchérit Ludovic Kerhoas, 43 ans, responsable atelier coque.
Cette mise sur cale de la FDI est « un jalon important », selon les mots du PDG Pierre-Éric Pommellet qui s’est réjoui jeudi que les objectifs de Naval Group soient atteints pour 2021.
Le PDG a inauguré le premier bloc du navire de défense, illuminé d’une lumière violette, et procédé à la mise sous tension symbolique du mât intégré et de son système de combat.
Yoann Malonda, 36 ans, ancien chaudronnier en reconversion, se réjouit aussi de ces nouvelles commandes.
« Ils sont en recherche de main d’oeuvre, et indirectement j’en ai bénéficié », explique ce salarié nouvellement embauché en CDI qui travaille déjà sur les FDI.
« Ce sont quand même des bâtiments de surface de premier plan. Le monde entier a recours à notre savoir-faire. Forcément, quand on a ce type d’ensemble on est hyper fiers », insiste Ludovic Kerhoas.