Amoco Cadiz: depuis la catastrophe, les risques maritimes ont évolué

« On aura toujours des accidents de mer, on aura toujours des bateaux qui vont couler et on aura peut-être toujours des pollutions marines », a assuré sans détours le préfet maritime de l’Atlantique, l’amiral Emmanuel de Oliveira, lors d’une journée d’échanges au centre marin Océanopolis de Brest, organisée à l’occasion des 40 ans du naufrage du supertanker.

Le pétrolier libérien s’était éventré le 16 mars 1978 à deux kilomètres seulement du petit port breton de Portsall. Quelque 227.000 tonnes de brut s’étaient répandues sur 360 km de littoral, provoquant l’une des pires marées noires de l’histoire.

« Jamais, plus jamais l’Etat ne sera impotent comme il l’a été en 1978 », a cependant souligné l’amiral de Oliveira, chargé de l’action de l’Etat en mer lors de cette journée qui a réuni près de 200 experts du monde maritime.

Voies de navigation dédiées, surveillance accrue, évolution de la réglementation et des normes de construction des navires… La catastrophe de l’Amoco Cadiz a fait prendre conscience à la France, mais aussi à la communauté internationale, des risques du transport maritime. Toute une série de mesures destinées à les réduire a depuis été mise en place. Toutefois, les risques évoluent et ont même tendance à augmenter, ont souligné les experts.

« Nous connaissons de nouveaux risques en matière maritime », a assuré le secrétaire général de la Mer Vincent Bouvier.

« Le profil de risques, que ce soit à l’échelle régionale ou à l’échelle internationale, est en évolution constante », a abondé la directrice adjointe de la division milieu marin de l’Organisation maritime internationale (OMI) Patricia Charlebois.

« L’accroissement du trafic maritime et la modification des routes de circulation posent de nouvelles menaces et constituent de nouveaux défis qu’il ne faut pas ignorer ou sous-estimer », a-t-elle noté, citant également la multiplication des activités de forage, qui ont lieu « dans des régions de plus en plus isolées et des eaux de plus en plus profondes ».

– Trafic accru et gigantisme –

Sur les 20 dernières années, le trafic maritime a à peu près doublé en Manche et, depuis la catastrophe de l’Amoco, il a à peu près triplé, a noté Nicolas Le Bianic, administrateur en chef des Affaires maritimes. « L’exposition au risque s’est accru », a-t-il également fait valoir. Quelque 60.000 navires voguent sur les mers du globe, a rappelé Hervé Thomas, délégué général de l’organisation Armateurs de France.

Parmi les autres menaces, le gigantisme des navires, tant en termes de transport de marchandises –avec des navires de 400 mètres de long qui peuvent transporter l’équivalent de 97 km de conteneurs mis bout à bout (16.000 EVP)– qu’en termes de navires à passagers –avec des paquebots capables d’emporter plus de 8.000 personnes–.

Les navires fonctionnant au GNL, de plus en plus nombreux en raison des limites mondiales en teneur de soufre à l’horizon 2020, posent eux aussi des questions en termes de risques environnementaux notamment. « Ces navires transporteront des combustibles cryogéniques à haute pression extrêmement inflammables », a expliqué la responsable de l’organisation internationale.

Malgré des normes de sécurité extrêmement élevées entourant ce type de navires, « les conséquences seront aussi extrêmement graves en cas de défaillance », a-t-elle prévenu.

Viendront ensuite les navires autonomes, exploités sans présence permanente de personnel et commandés à distance, avec des risques d’abordage, de cyberattaques ou d’actes de piraterie, a-t-elle ajouté.

« Il faut qu’on reste vigilants et qu’on continue à travailler, à s’adapter et à organiser, à moderniser nos moyens, notamment dans une perspective internationale et européenne », a assuré le secrétaire général de la Mer, disant rêver à l’échelle de l’Union européenne « d’un système de surveillance maritime intégré ».

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