Au restaurant El Campero, fusion japonaise et andalouse pour le thon rouge

« C’est un produit magique », qui se cuisine à toutes les sauces, s’enthousiasme son chef José Melero, 58 ans, originaire de cette ville côtière de 22.000 habitants donnant sur l’Atlantique, à la pointe sud de l’Espagne, quelques kilomètres avant le détroit de Gibraltar.

D’avril à juin, les thons rouges de l’Atlantique s’engouffrent dans ce passage étroit pour rejoindre la Méditerranée.

La légende veut que « les thons arrivent lorsque les Pléiades », amas d’étoiles visibles dans l’hémisphère nord, « rencontrent l’horizon », raconte le chef.

« Ils passent à leur moment optimal d’engraissement », poursuit José Melero. Le plaisir en bouche est « si beau qu’il faut l’honorer » en traitant sa viande avec « tendresse », dit-il.

Sucette d’oeufs séchés, tataki à l’ail et pignons: avec un menu dégustation à 58 euros centré tout entier sur le thon rouge d' »almadraba » (madragues en espagnol) le restaurant « El Campero », ouvert en 1994, est devenu incontournable pour les amateurs de ce poisson précieux.

« C’est un inspecteur du guide Michelin… », chuchote-t-on alors qu’un client, venu seul, visite le grand espace lumineux pouvant accueillir jusqu’à 180 hôtes.

– Héritage des marins japonais –

José Melero a tenu à garder une zone réservée aux tapas, en souvenir de ses débuts dans un petit bar de 40 m2 ouvert en 1978 à Barbate, ville populaire.

A l’époque, il servait avec les boissons une petite « tapa », ou amuse-gueule, à base de « morrillo » – une partie de la tête autrefois bon marché et aujourd’hui très recherchée.

« La culture du thon fait partie de la tradition de la ville, c’est la base même de notre gastronomie », raconte-t-il.

Malgré la forte inspiration japonaise de sa carte, le chef avoue ne s’être jamais rendu au Japon. C’est au contraire la gastronomie nipponne qui est venue à lui, à bord des bateaux réfrigérés dépêchés depuis l’archipel asiatique pour acheter le thon rouge des madragues espagnoles, parmi les plus prisés au Japon.

« Dans les années 1990, les capitaines venaient manger ici avec leurs cuisiniers. Ils me demandaient s’ils pouvaient entrer en cuisine et préparer le thon comme ils l’aimaient. Nous avons ainsi pu découvrir leurs techniques », se souvient José Melero.

En cette journée de fin mai, un groupe d’acheteurs japonais déjeune au comptoir. Ils sont nombreux à passer un mois à Barbate lorsque la pêche au thon rouge dans les madragues bat son plein.

« Ils le trouvent d’aussi grande qualité que le thon venant de la région d’Oma » au Japon, assure José Melero.

« Moi, ma culture me porte à préférer le thon cuit… », confie-t-il. Et, cru, ajoute-t-il malicieux, il est meilleur « avec une touche d’huile d’olive vierge, de sel et de vinaigre de Xérès… plutôt que du soja et du wasabi ».

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