Cette « intrusion » vient doucher les espoirs de ceux qui, à Tokyo notamment, espéraient que l’arrivée au pouvoir de nouvelles équipes dirigeantes tant en Chine qu’au Japon allait peut-être favoriser une amélioration des relations, en tout cas une amorce de réchauffement.
Le chef du Parti Libéral-Démocrate (PLD, droite) Shinzo Abe, qui sera désigné Premier ministre du Japon le 26 décembre, avait il est vrai affirmé dès lundi que la souveraineté nippone sur ces îles, revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu, n’était « pas négociable ».
Le conflit entre Pékin et Tokyo s’est aggravé depuis la nationalisation en septembre par Tokyo d’une partie de ce chapelet d’îles inhabitées, situé à 200 km au nord-est des côtes de Taïwan et 400 km à l’ouest de l’île d’Okinawa (sud du Japon), en mer de Chine orientale. Outre sa position hautement stratégique, l’archipel recèlerait des hydrocarbures dans ses fonds marins.
Suite à sa nationalisation, des manifestations antijaponaises, parfois violentes, avaient eu lieu dans de nombreuses villes chinoises pendant une semaine, avant que Pékin ne mette le holà. Mais des navires gouvernementaux chinois croisent depuis lors près ou dans les eaux territoriales de ces îlots.
L’incursion de vendredi est la 19ème depuis la décision du gouvernement japonais d’acheter ces îles à leur propriétaire privé nippon, une façon pour la Chine de montrer qu’elle est « chez elle » aux Diaoyu, estiment des analystes.
Jeudi dernier, la crise est montée d’un cran avec le survol de l’archipel par un avion de surveillance maritime chinois, dénoncé par le Japon comme la toute première violation de son espace aérien de l’histoire par les Chinois.
Les autorités nippones avaient immédiatement fait décoller des chasseurs F-15.
Des deux côtés on joue sur le double registre de la fermeté et de l’ouverture.
Après avoir fermé la porte à toute forme de discussions avec Pékin sur le statut des îles de la discorde, Shinzo Abe s’est ainsi empressé d’affirmer qu’il n’avait « pas l’intention de détériorer les relations entre le Japon et la Chine », déjà fort mal en point: à cause de cette crise, Pékin a annulé les cérémonies qui, le 29 septembre, devaient marquer les quarante ans de la normalisation des relations entre la Chine et le Japon.
A Pékin, le scénario est quasi identique: tout en se disant prêt à « oeuvrer avec le Japon pour tisser davantage des relations stables », on s’inquiète de « la direction que pourrait prendre le Japon » sous la férule de Shinzo Abe.
Pour Robert Dujarric, directeur de l’institut d’études asiatiques de l’université Temple de Tokyo, l’incursion de vendredi signifie clairement que Pékin « ne veut pas de compromis et continue de mettre la pression ».
« Cela démontre que Pékin entend continuer la confrontation. L’arrivée d’un nouveau Premier ministre est parfois l’occasion de remettre les compteurs à zéro, mais Pékin n’est à l’évidence pas intéressé à améliorer les relations » avec le Japon, estime-t-il.
De son côté, Shinzo Abe a également affirmé rapidement après sa victoire qu’il entendait renforcer le lien avec Washington et a souhaité se rendre en janvier aux Etats-Unis.
En 2006, lors de son premier passage à la Primature, son premier voyage à l’étranger avait été pour la Chine.
Reste que, selon des analystes, les futurs dirigeants du Japon savent que la Chine et son énorme marché demeurent une pièce essentielle pour tenir leur engagement électoral de remettre sur les rails une économie japonaise en récession.