La grève de huit jours démarrée dimanche est la première depuis trente ans dans ce port, de loin le plus important pour le fret au Royaume-Uni.
Mais au débrayage à Felixstowe, sur la mer du Nord, au nord-ouest de Londres, s’ajoutent ceux chez le géant du e-commerce Amazon ou dans le service postal Royal Mail. Conjointement, ils « auront un impact d’un milliard de livres sur le commerce et entraîneront des retards importants », pronostique la société de logistique Parcelhero.
Des coûts supplémentaires qui seront probablement reportés sur les consommateurs, en pleine crise du coût de la vie dans le pays, avertit Parcelhero, en rappelant que « des conteneurs venus de pays comme la Chine ou le Japon arrivent quotidiennement à Felixstowe, acheminant électroménager, ordinateurs, vélos ou aliments congelés ».
L’Association britannique du fret international, la Bifa, dit qu’il est trop tôt pour évaluer pleinement l’impact de la grève mais que ces dernières années, toutes les perturbations à Felixstowe ont eu des retombées sur les chaînes internationales d’approvisionnement.
– Assez de stocks –
Jonathan Owens, qui enseigne la logistique à l’université de Salford, tempère l’impact d’une grève d’une semaine à Felixstowe, où selon lui les produits qui y arrivent sont commandés très à l’avance et n’intègrent pas des chaînes de fabrication en flux tendu.
« Il devrait y avoir assez de stocks dans les chaînes d’approvisionnement pour les produits clé » ajoute-t-il, soulignant cependant que les problèmes surviendront en cas de ruées d’achats de panique qui videraient les stocks rapidement.
Le secteur du commerce veut pour sa part temporiser. Andrew Opie, directeur de l’alimentation et la durabilité à la BRC, l’organisation représentative, souligne que les distributeurs vont « mettre au point des plans d’urgence » pour réacheminer les conteneurs vers d’autres ports ou utiliser d’autres modes de transport ».
« Les produits frais alimentaires ne seront pas touchés car ils transitent massivement par Douvres », sur la Manche, ajoute-t-il.
Depuis la crise du Covid et son impact sur la chaine d’approvisionnement internationale en particulier, nombre d’entreprises ont en effet adopté une logique de « juste au cas où » plutôt que de « juste à temps », remarque Ian Matheson, porte-parole de BIFA, interrogé par l’AFP.
Il note que le secteur est devenu plus résilient en développant des voies d’approvisionnement alternatives depuis les crises entraînées par la pandémie puis l’engorgement des ports avec la reprise des livraisons post-confinements.
C’est néanmoins un casse-tête pour les compagnies maritimes internationales.
Un porte-parole de la compagnie maritime Maersk, l’un des géants mondiaux du secteur, explique à l’AFP avoir « trois navires qui ont dû éviter Felixstowe pendant cette grève ».
« Ils vont décharger leur cargaison destinée au Royaume-Uni dans d’autres ports », notamment Londres, Anvers ou Le Havre, et parviendront au Royaume-Uni avec plus d’une semaine de retard.
Les autres navires prévus ont vu leur arrivée soit avancée à Felixstowe soit retardée pour éviter la semaine de la grève, ajoute Rainer Horn.
« Nous essayons normalement de garder les bateaux sur leur rotation normale » car après avoir déchargé leur cargaison destinée à l’import, ils sont souvent prévus pour en réexpédier une autre à l’export, ce qui peut ainsi décaler de complexes calendriers d’expédition internationale, explique M. Horn.
Les discussions entre direction et syndicats d’employés semblent en attendant dans l’impasse sur le port anglais.
La grande majorité des quelque 1.900 employés de Felixstowe a voté pour le débrayage. Les « dockers » réclament une revalorisation de leur salaire de 10%, mettant en avant une inflation à deux chiffres qui devrait atteindre 13% en octobre et pourrait encore grimper.
La direction estime que son offre de 7% plus une prime de 500 livres est « juste » et déplore l’impact de la grève sur la chaîne d’approvisionnement au Royaume-Uni », mais dit travailler avec ses clients pour « atténuer les perturbations ».
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