La purge des listes électorales en débat en Amérique

L’affaire concerne l’Ohio, Etat du Midwest où les républicains au pouvoir ont pris des mesures pour radier les personnes qui ne votent pas régulièrement, sous le prétexte d’actualiser les fichiers et de lutter contre la fraude.

Rien qu’en 2015, des centaines de milliers de résidents ont ainsi été privés de la faculté de choisir leurs élus.

Parmi eux figure Larry Harmon, un ancien engagé dans l’US Navy qui a eu la mauvaise surprise d’apprendre en novembre 2015 qu’il avait été radié des listes, alors qu’il n’a pas changé de domicile durant 16 ans.

M. Harmon, devenu plaignant dans ce dossier, avait simplement boudé les scrutins quatre ans d’affilée, s’estimant déçu par les candidats.

« On a le droit de ne pas voter », s’est exclamée mercredi la juge progressiste Sonia Sotomayor, en accablant de remarques l’avocat de l’Ohio, Eric Murphy.

Mme Sotomayor, magistrate d’origine portoricaine nommée par Barack Obama à la Cour suprême, a souligné que les purges dans l’Ohio concernaient surtout les personnes issues des minorités ethniques et les couches les plus défavorisées de la société.

« Dans tout le pays, ce sont les groupes qui votent (déjà) le moins », a-t-elle relevé.

Les restrictions au droit de vote alimentent un gros contentieux aux Etats-Unis. Cette controverse s’aiguise à l’approche des élections de mi-mandat en novembre, qui décideront si Donald Trump conserve sa majorité républicaine au Congrès.

– Problème de l’abstention –

En plus de l’Ohio, six Etats ont adopté un plan permettant d’expurger leurs listes électorales des électeurs occasionnels: la Géorgie, le Montana, l’Oklahoma, l’Oregon, la Pennsylvanie et la Virginie occidentale.

En face, douze Etats dont celui de New York et la Californie, plus la capitale fédérale Washington, ont adressé à la Cour suprême un argumentaire lui demandant de bannir cette politique.

Le gouvernement de M. Trump a, lui, effectué en août un revirement à 180 degrés par rapport à celui de M. Obama, en prenant fait et cause pour l’Ohio.

D’une façon générale les Américains se déplacent peu aux bureaux de vote. C’est particulièrement vrai aux élections de mi-mandat: le taux de participation tourne alors autour de 40%, ce qui renforce le poids de chaque électeur.

En raison de ce fort taux d’abstention a été adopté en 1993, sous la présidence de Bill Clinton, le Motor Voter Act. Cette loi permet aux personnes qui demandent un permis de conduire ou sollicitent une aide sociale de s’inscrire en même temps sur les listes électorales.

« Durant plus de 20 ans, depuis l’adoption du Motor Voter Act, le ministère américain de la Justice a interdit de telles purges des listes électorales », souligne Dale Ho, un avocat de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

Le gouvernement Trump a effectué, précise-t-il, une « rupture radicale par rapport à une position constante ».

– Millions de voix en jeu –

Selon les règles actuellement en vigueur dans l’Ohio, quiconque ne votant pas durant deux ans reçoit de son bureau de vote une notice de demande de confirmation d’adresse. Si la personne ne répond pas, ou si elle continue à ne pas voter durant quatre ans, elle est radiée des listes, sous la présomption qu’elle n’habite plus là.

Or, a plaidé mercredi l’avocat Paul Smith, qui défend les minorités privées de vote, « la plupart des gens jettent au panier cette notice ».

« Le fait de ne pas voter durant deux ans n’indique absolument pas que la personne ait déménagé », a-t-il ajouté.

De fait, dans l’Ohio sont mis sur la touche de nombreux militaires de retour de mission, des habitants soumis aux aléas économiques, notamment ceux ayant de longues heures de travail.

Selon la décision que prendra la Cour suprême, l’Ohio et les autres Etats pourraient radier, ou non, des millions d’électeurs potentiels.

La haute cour devrait également d’ici quelques mois se prononcer sur la pratique des découpages inéquitables des circonscriptions de vote, une antique recette de cuisine électorale nommée « gerrymandering ».

Dans une décision surprise mardi, une cour fédérale a jugé qu’une carte électorale « partisane », tracée par la majorité républicaine en Caroline du Nord, violait la Constitution.

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