L’Arabie saoudite bombarde les rebelles au Yémen, s’en prend à l’Iran

Les rebelles Houthis ont pris depuis septembre plusieurs régions du Yémen, dont la capitale Sanaa, et avançaient ces derniers jours vers Aden, menaçant directement le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui s’était réfugié dans cette grande ville du sud après avoir fui Sanaa (nord).

Les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ainsi que la plupart des pays arabes ont serré les rangs derrière l’Arabie saoudite et réaffirmé leur soutien à M. Hadi, arrivé jeudi à Ryad puis vendredi en Egypte pour le sommet arabe qui s’ouvre samedi à Charm el-Cheikh.

L’Unesco a appelé les parties au conflit à éviter de prendre pour cible le patrimoine culturel « inestimable » du Yémen, ancienne Arabia Felix (Arabie heureuse), qui regorge de trésors architecturaux, dont trois sites figurant sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.

Avant l’aube vendredi, des raids de la coalition arabe ont visé des positions de la rébellion dans la région d’Arhab, au nord de Sanaa, tuant 12 civils, selon des responsables du ministère de la Santé contrôlé par les Houthis.

Depuis le début jeudi de l’opération « Tempête décisive », 39 civils ont péri dans les frappes, selon ces responsables. Ce bilan n’a pu être confirmé de source indépendante.

Trois autres frappes ont touché vendredi matin le complexe présidentiel, aux mains des rebelles au sud de Sanaa, ont indiqué des témoins. Des avions ont aussi bombardé une base militaire contrôlée par les Houthis dans la province d’Amrane, au nord de la capitale, ainsi que des dépôts d’armes dans le fief des rebelles à Saada (nord), selon des résidents.

– ‘Une nuit d’horreur’ –

A Sanaa, la population a peur. « Nous avons passé une nuit d’horreur et d’hystérie », raconte Mohammed al-Jabahi, 32 ans, en rapportant les survols incessants et les tirs de DCA. Jeudi soir, les raids aériens avaient visé une base à l’entrée ouest de la capitale, ont indiqué des témoins.

Un porte-parole de la coalition –qui comprend notamment cinq pays du Golfe– avait affirmé jeudi que les frappes se prolongeraient jusqu’à ce que les « objectifs » soient atteints, écartant une offensive terrestre dans l’immédiat.

Sur le terrain, les rebelles chiites se heurtent également aux tribus sunnites dans leur progression vers le sud. Au moins 21 Houthis ont été tués vendredi quand leurs véhicules ont été pris sous un feu nourri à Al-Waht, zone tribale à 15 km au nord d’Aden, selon un responsable local.

A Aden, les rebelles chiites étaient engagés vendredi dans des accrochages avec des membres de « Comités populaires » anti-Houthis, selon des sources concordantes. Et au moins huit personnes ont été tuées dans des affrontements dans l’enceinte de l’aéroport d’Aden.

Selon des témoins, des hommes armés font la loi dans plusieurs quartiers d’Aden: ils coupent les routes avec des blocs de pierres et des troncs d’arbres. Les commerces sont restés fermés vendredi, a rapporté un correspondant de l’AFP.

A Aden, la situation est chaotique. Des unités de l’armée ont abandonné leurs campements, laissant parfois des stocks d’armes à la merci de pilleurs, ont indiqué des habitants.

Ainsi, des dizaines de jeunes se sont servis dans un dépôt d’armes et de munitions dans une caserne désertée du quartier de Khor Maksar, selon une source de sécurité.

– L’Iran veut ‘dominer la région’ –

L’intervention militaire de la coalition arabe a été condamnée jeudi par le chef des rebelles, Abdel Malek al-Houthi, qui a dénoncé une « invasion » et averti que les « Yéménites n’allaient pas rester sans réagir ».

L’Iran a mis en garde contre une propagation du conflit, son président Hassan Rohani dénonçant une « agression » contre le Yémen.

« Les Iraniens sont ceux qui s’ingèrent dans les affaires des pays arabes, que ce soit au Liban, en Syrie, en Irak, et au Yémen, ce que nous ne pouvons pas tolérer », a rétorqué l’ambassadeur saoudien à Washington, Adel al-Jubeir, sur la chaîne américaine Fox News.

« Nous devons faire face à l’agression de l’Iran » qui veut « dominer la région ».

En pleines négociations sur le nucléaire avec Téhéran, les Etats-Unis ont annoncé « un soutien logistique et de renseignement » à l’opération.

La Maison Blanche s’est déclarée inquiète des « activités iraniennes » au Yémen, parlant d’informations sur « le transfert iranien d’armes » dans ce pays.

Selon des experts, les raids aériens de la coalition pourraient avoir des résultats limités sans une intervention terrestre, qui reste peu probable en raison des risques d’escalade avec Téhéran et d’enlisement.

Pour John Marks, expert du Moyen-Orient à l’Institut Chatham House, « se contenter d’écraser les Houthis changera certes la dynamique des factions », compliquée au Yémen, mais cela pourrait « favoriser des groupes ultra-radicaux sunnites ».

Il faisait allusion à Al-Qaïda, implanté dans le sud-est du pays, et au groupe Etat islamique (EI) qui a revendiqué la semaine dernière ses premières attaques meurtrières à Sanaa.

Voir les autres articles de la catégorie

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.

5 MOIS EN ANTARCTIQUE