Au large de Nieuport, entre Ostende et la frontière française, la chaîne Colruyt s’est lancée en 2023 dans la culture de moules sur une vaste structure de cordes flottantes, une activité jusque-là inédite en Belgique et que le groupe compte faire progressivement monter en puissance.
« Nous récoltons une tonne en quatre heures environ, avec quatre hommes. On aimerait arriver dans le futur à trois ou quatre tonnes par jour », explique Stijn Van Hoestenberghe en embarquant une équipe de l’AFP jusqu’à cette ferme marine (Zeeboerderij en néerlandais) dont il assure la gestion opérationnelle.
L’exploitation s’effectue dans des conditions difficiles, admet-il, alors que le littoral belge est exposé à de forts courants marins, aux tempêtes et que le trafic maritime est très dense dans la zone.
Un milieu naturel plutôt hostile en comparaison avec le large et profond estuaire de l’Escaut qui a permis à la moule de Zélande, à l’extrême sud des Pays-Bas, de devenir un des plus gros succès du marché européen.
« La partie hollandaise du delta est une zone protégée gigantesque, qui permet d’installer bien plus de parcs (de moules) que dans une mer ouverte », souligne Jérôme Mallefet, responsable du laboratoire de biologie marine de l’université de Louvain-la-Neuve (UCL).
Outre l’intense trafic au large de la côte belge – « une autoroute à bateaux », dit cet expert -, la présence de parcs éoliens offshore et la subsistance d’une activité de pêche au chalut limitent aussi les possibilités de développement de la mytiliculture, relève-t-il.
En volume annuel, la « ferme » de Colruyt table sur une récolte de 50 tonnes en 2024, après six tonnes la première année… Et « peut-être 200 en 2025 », poursuit M. Van Hoestenberghe.
– 1% des besoins de la Belgique –
Mais même avec un tel niveau de production, la chaîne sait qu’elle ne satisfera au mieux que 1% des besoins de la Belgique, où l’on consomme en moyenne 20.000 tonnes de moules par an. « Il y a encore une belle marge de croissance », souligne Colruyt dans un euphémisme.
Pour l’instant sa moule « 100% belge » est livrée dans quatre de ses magasins ainsi que dans une quinzaine de restaurants belges.
Un des arguments pour la présenter comme un produit « durable » est qu’elle est élevée sur des cordes fabriquées à partir de vieux filets de pêche recyclés.
La moule est un produit saisonnier, dont la chair arrive généralement à maturité à partir de l’été. Attendre les mois en « bre » pour en manger – de septembre à décembre – garantit la meilleure qualité dans l’assiette, font valoir les spécialistes.
Sur la Grand-Place de Bruxelles, haut lieu du tourisme en Belgique, un restaurateur reconnaît qu’il en propose sur sa carte toute l’année pour le traditionnel moules-frites très recherché par les clients.
« On a beaucoup de mangeurs de moules ici (…) donc on a de la zélandaise entre juin et février, et après ça on travaille avec des danoises, voire des allemandes, en fonction de la demande », explique à l’AFP Jean-Philippe Bosman, patron de la brasserie Le Roy d’Espagne.
« Avoir un producteur local c’est bien, mais encore faut-il qu’il puisse nous fournir les quantités voulues en temps voulu.. et ça c’est plus compliqué », dit le restaurateur quand on l’interroge sur les ambitions de Colruyt.
Aujourd’hui, les experts estiment que la Belgique, qui se classe parmi les plus gros consommateurs de moules en Europe avec l’Espagne, la France et le Danemark, se fournit à plus de 90% auprès des éleveurs néerlandais de Zélande.