L’affaire dite Oleg Neydanov – du nom du bateau russe de 120 m de long – a provoqué de vifs échanges entre Moscou et Dakar, ce dernier ayant été soutenu dans sa décision par les acteurs de la pêche, important pourvoyeur de recettes au Sénégal et qui occupe dans le pays près de 600.000 personnes.
L’Oleg Neydanov avait été arraisonné le 4 janvier dans les eaux sénégalaises vers la frontière avec la Guinée-Bissau (sud du pays), puis escorté par l’armée jusqu’au port de Dakar où il avait été, depuis, placé sous séquestre dans une zone militaire.
Selon la Marine sénégalaise, il a quitté le port de Dakar mercredi soir, à la suite d’une « mainlevée », notification officielle qui l’a rendu immédiatement libre de partir des lieux.
La levée du séquestre a été permise par un accord annoncé mercredi par les parties russe et sénégalaise, marqué par le paiement de 600 millions de FCFA (plus de 914.000 euros, environ un million de dollars).
Toutefois, si côté russe, on parle de « caution », Dakar parle d’une amende versée dans les caisses du Trésor public au titre de l’Oleg Neydanov, et d’un autre bateau russe en fuite, le Kapitan Bogomolov, également accusé de pêche illégale au Sénégal.
Mais de part et d’autre, on se félicite du dénouement de l’affaire.
Mercredi, le ministre sénégalais de la Pêche, Haïdar El-Ali, par ailleurs écologiste de renom, a indiqué que l’affaire illustre « la volonté ferme du gouvernement sénégalais de faire respecter son droit dans son espace maritime ».
Dans un communiqué publié jeudi, le ministère russe des Affaires étrangères s’est déclaré « reconnaissant » envers des « amis étrangers » – non identifiés – « qui ont pris part au règlement de la situation ».
« Nous espérons à Moscou que nos partenaires sénégalais ne laisseront pas se reproduire de tels cas concernant des marins russes et règleront les différends éventuels dans le respect du droit international », a-t-il ajouté.
Selon la presse russe, le bateau avait à son bord 62 Russes et 20 Bissau-Guinéens lorsqu’il a été arraisonné.
De son côté, l’Agence fédérale russe de la pêche, qui nie les accusations sénégalaises de pêche illégale, a souligné que le montant versé par l’armateur, une société de Mourmansk (nord-ouest de la Russie), était une « caution ».
« La caution a vocation à être restituée dans le cas où l’arraisonnement du chalutier est reconnu illégal », a-t-elle dit dans un communiqué diffusé jeudi, sans plus de détails.
« Grande satisfaction »
Ce dénouement est le résultat « de la bonne gouvernance » dans la gestion des ressources halieutiques du Sénégal et « c’est une bonne chose », s’est réjoui jeudi Cheikh Sarr, responsable du service chargé de la protection des eaux sénégalaises, dans une déclaration à l’AFP.
Saër Seck, président du Groupement des armateurs et des industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes), une des principales organisations patronales dans le secteur, a également fait part à l’AFP d’une « grande satisfaction ».
« Nous félicitons le ministre (Haïdar El-Ali) pour sa détermination et l’engageons à continuer pour que nos eaux soient mieux gardées. C’est totalement inacceptable que ces navires pirates écument les mers d’Afrique de l’Ouest », a-t-il ajouté.
Les acteurs sénégalais du monde de la pêche, dont des pêcheurs artisanaux, des mareyeurs et des femmes transformatrices de poissons, ont ces derniers jours réitéré leurs félicitations aux autorités sénégalaises.
Dakar a annoncé un durcissement de la loi sénégalaise contre les bateaux pirates.
La pêche illégale « met en danger notre sécurité alimentaire », a affirmé le ministre El-Ali qui s’était distingué avant sa nomination en 2012 comme ministre de la Pêche dans la lutte pour la défense de l’environnement à la tête d’une association, l’Océanium.
Selon les chiffres officiels, la pêche a contribué en 2011 pour près de 12,5% aux recettes d’exportation. Elle occupe 17% de la population active, soit près de 600.000 personnes.
Selon des ONG et acteurs du secteur, plusieurs espèces halieutiques sont surexploitées et menacées d’extinction au Sénégal notamment à cause du pillage des eaux par des navires étrangers. Les pertes dues aux bateaux pirates sont estimées à 150 milliards de FCFA (près de 228,7 millions d’euros) par an.