Les géants mondiaux du blé, Russie en tête

Paris, 5 sept 2023 (AFP) – La Chine en produit en quantité mais le garde, la Russie domine son commerce et dicte ses règles: panorama du marché du blé, indispensable céréale du pain, que seuls une dizaine de pays sont capables d’exporter dans le monde.

Fruit des climats tempérés

Semoule, farine ou pain: « le blé, tout le monde en mange, mais tout le monde n’est pas capable de le produire », résumait en juillet 2022 l’économiste français Bruno Parmentier, auteur de « Nourrir l’humanité ».

Fruit des climats tempérés, né en Mésopotamie, le blé tendre consommé aujourd’hui par des milliards d’êtres humains est un facteur de paix quand il abonde et peut devenir un vecteur de conflit quand il manque ou que sa mobilité est contrariée.

L’International Grain Council (IGC), qui regroupe les principaux pays importateurs et exportateurs de la planète, tablait en août sur une production mondiale de blé de 784 millions de tonnes en 2023-24, en léger repli de 2,4% sur un an.

Seule une dizaine de pays produisent assez de blé pour en exporter: la Chine, qui est de loin le premier producteur mondial avec 138 millions de tonnes en 2022-23, en importe quand même plus de 10 millions de tonnes par an pour nourrir 1,4 milliard d’habitants, maintenant en permanence un énorme stock à domicile.

Autre grand producteur, l’Inde. Elle avait commencé à exporter ses surplus de récolte ces dernières années mais impose depuis un an des restrictions à l’export, échaudée par des sécheresses amputant ses moissons.

Dans le club des grands producteurs suivent la Russie, les Etats-Unis, l’Australie et la France.

La Russie domine les échanges

Après une récolte record de 92 à 100 millions de tonnes selon les sources en 2022-23, la Russie est « en passe d’avoir la deuxième meilleure récolte de tous les temps », selon Sébastien Poncelet, spécialiste du marché des céréales au cabinet Agritel (groupe Argus media), qui table sur environ 90 millions de tonnes.

Premier exportateur mondial, avec 46 millions de tonnes en 2022-23 selon l’estimation du ministère américain de l’Agriculture (USDA), la Russie pourrait cette année assurer à elle seule un quart du commerce mondial de blé.

Derrière la Russie, les principaux exportateurs sont le Canada, l’Australie, les Etats-Unis, qui devraient tomber sous la barre des 20 millions de tonnes, au plus bas depuis 50 ans, et la France.

L’Ukraine, qui était avant la guerre en passe de devenir le 3e exportateur mondial, ne devrait exporter que 10 millions de tonnes selon l’USDA.

Selon Sébastien Abis, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la Turquie est depuis 2018 le premier client du blé russe, suivie de l’Egypte: ces deux pays représentent 40% des exportations russes. Suivent l’Iran et de la Syrie. Il souligne que le blé russe ne cesse de progresser à l’export, se taillant désormais une place chez les clients traditionnels de l’Europe de l’Ouest au Maghreb et en Afrique subsaharienne.

Offensive de charme russe en Afrique

Selon l’Institut africain d’études de sécurité (ISS), en 2020, l’ensemble des échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique se sont montés à environ 14 milliards de dollars, contre 295 milliards avec l’Union européenne, 254 milliards avec la Chine et 65 milliards avec les États-Unis.

Les échanges, portant d’abord sur l’énergie et les armes, se sont de plus en plus élargis aux matières premières agricoles, blé en tête.

Cette céréale, qui n’est pas un aliment de base dans la majorité de l’Afrique, reste une source de calories importante dans de nombreux pays et notamment dans les centres urbains, où l’absence de pain peut rapidement susciter des révoltes.

Selon une étude de l’IFPRI (International Food Policy Research Institute), entre 2019 et 2021, le blé pour l’Afrique subsaharienne a représenté en moyenne environ 18% des exportations annuelles totales de cette céréale par la Russie.

Les volumes, sans être énormes, ne sont pas insignifiants: 3,9 millions de tonnes de blé russe en 2022-23 (soit un peu moins de 20% des importations de blé de la région, mais une baisse par rapport aux 4,5 millions de tonnes de 2021-22).

La Russie, qui a multiplié les promesses de livraisons à bas coût à l’Afrique, « n’a pas compensé » la baisse des exportations ukrainiennes, divisées de plus de moitié à 701.000 tonnes en 2022-23, souligne l’étude.

La Corne de l’Afrique, le Liberia ou Madagascar figurent parmi les pays les plus dépendants des importations de blé russe.

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