Liaisons maritimes: l’île de Groix ne veut pas de la hausse des tarifs

« Insulaires solidaires »: sur la petite île, l’affiche fait florès. Pas une maison, pas un commerce, pas un véhicule qui ne l’arbore, témoignant du rejet des augmentations prévues dès janvier par la nouvelle délégation de service public (DSP), renouvelée à la société Océane (Transdev – Veolia) pour les liaisons maritimes entre le continent et les îles du Morbihan.

Ruban jaune à la boutonnière – la couleur des cirés qui sert de signe de ralliement aux Groisillons – Solange, 71 ans, ne décolère pas.

La traversée de ses enfants et petits enfants, vivant sur le continent, qui coûtait 74 euros, va passer à 200 euros l’aller-retour: le prix du passage avec leur véhicule en raison de la suppression des tarifs spécifiques accordés jusqu’ici aux enfants d’îliens et aux résidents secondaires.

« C’est moi qui leur paie les billets. Comment voulez-vous que j’y arrive avec ma petite retraite? », s’exclame-t-elle. « Et il y en a beaucoup comme moi sur l’île ».

« A Groix, le revenu moyen par habitant s’élève à 19.000 euros par an », indique le maire (SE) Dominique Yvon. Et parmi les quelque 2.200 habitants, on compte beaucoup de femmes seules, vivant avec 600 ou 700 euros par mois, et même 400 personnes sous le seuil de pauvreté, détaille-t-il.

« Même les résidents secondaires ici ne sont pas tous aisés », explique le boulanger-pâtissier André Mahé, « beaucoup ont gardé des biens de famille où ils viennent passer les vacances ».

Les nouveaux tarifs vont affecter gravement les revenus du tourisme dont dépend en grande partie l’économie de l’île, avec une population passant à près de 7.000 personnes l’été.

Déjà, le nombre de visiteurs à la journée a baissé de 20% de 2008 à 2013, tandis que le prix du billet augmentait de 22%, selon M. Yvon. Et il va encore grimper de plus de 14%, en 2015, à 35 euros l’aller-retour, hors période creuse, pour rallier le port de Lorient, à une dizaine de kilomètres.

– ‘Cordon ombilical’ –

Ce qui révulse les insulaires, ce sont les hausses vertigineuses qui vont affecter le transport des marchandises et leurs effets prévisibles sur les prix et même l’emploi.

« Le bateau, c’est notre cordon ombilical. Ici, il n’y a pas d’autoroute, pas de TGV. On en a besoin pour tout, c’est un service public vital », dit Lucie Duguépéroux, qui avec son mari Frédéric gère un restaurant-chambres d’hôtes dans le bourg.

Pour respecter la législation européenne, les tarifs du transport de marchandises ne pourront plus bénéficier d’allègements et vont littéralement exploser: de 60% à 428%, selon les cas et le type de marchandises!

« En 2013, j’ai versé 200.000 euros à Océane pour quatre passages de camions par jour, en 2015 pour le même nombre, ce sera 600.000 euros », assure Gilles Le Ménach, qui gère l’unique société de transport de la petite île de huit kilomètres sur trois.

« Pour moi, cela veut dire 10.000 à 15.000 euros de plus par an en frais de transport. Si je les répercute sur les prix, c’est 10 à 15 centimes d’euro par produit », calcule André Mahé, le boulanger.

Les conséquences risquent d’être lourdes dans le secteur du bâtiment, premier employeur de l’île avec une centaine de salariés. Et « les enfants des salariés du bâtiment, c’est une école sur deux à Groix », assure Victor Da Silva, gérant d’une des principales entreprise du secteur. Or, l’île a déjà perdu deux classes primaires en deux ans et les deux écoles, publique et privée, ne compteront plus que quatre classes au total à la rentrée prochaine.

Pour le maire, c’est toute « la vie insulaire » qui pourrait pâtir des nouveaux tarifs.

Si le président UMP du conseil général, François Goulard, fait figure d’accusé auprès d’une bonne partie de la population, la société Veolia, maison-mère de la compagnie Océane, est aussi dans le collimateur des Groisillons, nombreux à s’interroger sur sa gestion et sur son déficit structurel malgré les augmentations de tarifs.

« On va rien lâcher, les cirés jaunes vont être partout », assure Chantal Vanoni, l’épouse d’un artisan de l’île.

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