« Terre-Neuve/Terre-Neuvas »: cinq siècles d’aventure maritime

Dénommée aussi cabillaud, la morue est un poisson très fécond dans les eaux froides de l’Atlantique nord, à la chair grasse et nourrissante, et à l’huile encore plus célèbre pour des générations -l’huile de foie de morue- en raison de ses vitamines.

Moins de 20 ans après la découverte de l’Amérique, l’un des tout premiers navires en partance pour Terre-Neuve quitte l’île de Bréhat (Côtes d’Armor) en 1508 et le départ d’un second, de Dahouët, est attesté en 1510. Dès 1514, un accord est signé entre l’abbaye maritime de Beauport, près de Paimpol, et les pêcheurs de Bréhat afin de réglementer leur activité. « La charte de Beauport est un des prêts exceptionnels consentis pour cette exposition », souligne Elisabeth Renault, directrice du musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc.

Depuis Bréhat jusqu’à Granville (Manche), 200 kilomètres de côtes du nord de la Bretagne ont vécu au rythme de cette pêche, avec les départs au printemps et les retours au port six à neuf mois plus tard. « De 3.000 hommes qui embarquaient en moyenne chaque année au XVIe siècle, on arrive à 10.000 dans la seconde moitié du XVIe siècle », la période la plus intense, avec, selon les navires, entre 10, 50 ou 100 hommes à bord, indique Mme Renault. Saint-Malo, Granville, Saint-Brieuc ou Paimpol sont alors les principaux ports armant à cette grande pêche.

Il s’agit de navires à voiles de différents types. La traversée effectuée, les hommes embarqués se partagent en deux groupes: ceux qui pratiquent « la pêche errante » et ceux qui s’adonnent à « la pêche sédentaire ».

« Du point de vue technique, la pêche errante -au large- a beaucoup évolué: on va pouvoir pêcher plus et plus vite », relève Michaël Liborio, commissaire des expositions.

Un métier risqué

La pêche sédentaire s’exerce le long des côtes. Le poisson est transformé, salé, séché et conservé de longues semaines avant son expédition. Une véritable vie à terre s’organise ainsi pendant plusieurs mois dans ces havres, avec une série de métiers différents.

« Chaque bateau est une entreprise », rappelle Michaël Liborio. « L’armateur, qui est l’investisseur, choisit un capitaine pour son navire, lequel choisit son équipage, payé à la part de pêche. Pas de pêche, pas de paie. Beaucoup dépend de la capacité du patron de pêche à savoir repérer les bonnes zones, les bancs de poisson ». A terre, on sèche, en mer, on sale pour assurer la conservation. Dans les ports de départ, toute une économie, à commencer par la construction navale, vit aussi de cette pêche.

Le métier est risqué en raison aussi bien des tempêtes que de la brume ou des icebergs: 221 disparus en 1897, 230 en 1908, par exemple. Mais les risques à bord sont importants aussi: mauvaise hygiène, malnutrition, blessures pouvant mener à la gangrène, à l’amputation, voire au décès. Le premier navire-hôpital sur les bancs de pêche n’apparaît qu’en 1896.

L’exposition se décline en deux volets: l’un à Rennes sur « l’aventure de la pêche morutière », l’autre à Saint-Brieuc, sur « le temps de l’absence », abordant notamment le rôle important dévolu aux femmes en l’absence des hommes.

En 1992, un moratoire international a interdit cette pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve et du Labrador, en raison d’une raréfaction de la ressource suite à son développement spectaculaire au XXe siècle avec des techniques de pêche nettement plus prédatrices.

(Jusqu’au 19 avril: Musée de Bretagne à Rennes et Musée d’Art et d’Histoire à Saint-Brieuc. A partir de juin 2014, la double exposition sera visible au Musée d’Histoire de Saint-Malo et au Musée du Vieux Granville à Granville).

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