Les Houthis, proches de l’Iran et qui contrôlent une grande partie du Yémen, disent cibler les navires commerciaux qu’ils soupçonnent d’être liés à Israël, affirmant agir en solidarité avec la bande de Gaza, théâtre d’une guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas.
La multiplication des attaques près du détroit stratégique de Bab el-Mandeb séparant la péninsule arabique de l’Afrique, a poussé certains armateurs à contourner la zone, entraînant une hausse des coûts de transport entre l’Europe et l’Asie.
Les Etats-Unis ont déployé des navires de guerre et mis en place en décembre une coalition internationale pour protéger le trafic maritime dans la zone, où transite 12% du commerce mondial.
Mardi soir, les rebelles yéménites ont cependant lancé une nouvelle attaque, selon le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom), précisant que 18 drones et trois missiles avaient été abattus par des avions de combat déployés depuis le porte-avions américain Dwight D. Eisenhower, de trois destroyers américains et d’un navire de guerre britannique, le HMS Diamond.
Le gouvernement britannique a évoqué la « plus importante attaque » des rebelles yéménites à ce jour.
Une douzaine de pays menés par les Etats-Unis avaient appelé la semaine dernière les Houthis à cesser « immédiatement leurs attaques illégales », faute de quoi ils en assumeraient les « conséquences ».
Le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, s’était également dit « prêt à prendre des actions directes » contre les Houthis.
La force multinationale est « la moins mauvaise des options à ce stade », souligne Thomas Juneau, professeur à l’Université d’Ottawa.
Pour Gerald Feierstein, ancien ambassadeur américain au Yémen, Washington et ses alliés devraient « poursuivre les opérations défensives (…) jusqu’à la fin du conflit » à Gaza.
– Option militaire –
« Une opération militaire offensive au Yémen serait contre-productive », prévient-il, en soulignant que les Houthis « n’ont pas grand chose à perdre ».
Au contraire, une confrontation avec les Américains au nom de la cause palestinienne renforcerait leur « soutien en interne et leur image de membre essentiel de +l’axe de la résistance+ », expression désignant l’Iran et ses alliés régionaux hostiles à Israël, ajoute M. Feierstein, du Middle East Institute à Washington.
Des frappes ciblées contre des sites militaires au Yémen auraient peu d’impact, estime également Thomas Juneau, pour qui une opération militaire à plus grande échelle serait plus efficace, mais risquerait « d’entraîner les Etats-Unis dans un nouveau conflit coûteux, surtout si les Houthis ripostent au niveau régional ».
En visite lundi en Arabie saoudite, voisin du Yémen, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a dit avoir discuté avec le prince héritier saoudien, Mohammed en Salmane, des moyens de « dissuader » les Houthis.
Le sujet est particulièrement délicat pour la monarchie pétrolière qui est intervenue au Yémen en 2015 pour soutenir le gouvernement face à l’avancée des rebelles, déclenchant une guerre dévastatrice dans le pays le plus pauvre de la péninsule.
Mais Ryad cherche désormais à s’extirper du conflit et négocie depuis des mois avec les Houthis. Le royaume s’est donc gardé jusque-là de s’exprimer sur les attaques en mer Rouge, dont il est pourtant l’un des pays riverains, et n’a pas rejoint la coalition maritime dirigée par Washington.
« Les Saoudiens ne veulent pas compromettre leurs pourparlers avec les Houthis ou déclencher une nouvelle série d’attaques contre des cibles » chez eux, explique Gerald Feierstein.
Entre 2019 et 2022, les Houthis ont mené plusieurs attaques contre les installations pétrolières saoudiennes, affectant la production du premier exportateur mondial de brut. Celles-ci ont cessé depuis la trêve au Yémen négociée par l’ONU en avril 2022.
Outre l’Iran, le pays ayant le plus d’influence sur les rebelles yéménites est Oman, poursuit l’expert. Ce pays arabe du Golfe est néanmoins « réticent à faire pression sur les Houthis, parce qu’il ne veut pas être perçu comme soutenant les opérations israéliennes à Gaza ».
Aux yeux du professeur Karim Bitar, de l’université Saint-Joseph à Beyrouth, Washington utilise « ses canaux de communication à travers les acteurs régionaux ».
Mais « l’option militaire reste sur la table en tant qu’option de dernier recours », ajoute-t-il en déplorant que « le commerce international ait davantage mobilisé la communauté internationale que les plus de 23.000 morts à Gaza ».