Endommagé par des missiles des rebelles yéménites le 18 février, un cargo battant pavillon bélizien et exploité par une société libanaise a coulé samedi à l’aube après avoir été évacué et abandonné.
Le Rubymar transportait 22.000 tonnes d’engrais à base de phosphate d’ammonium et de sulfate, mais aussi de carburants, dont 200 tonnes de mazout et 80 tonnes de diesel, a affirmé Abdelsalam al-Jaabi, un expert de l’Autorité yéménite pour la protection de l’environnement, en soulignant le risque d’une « double pollution ».
Avant de sombrer, le navire avait déjà laissé derrière lui une nappe de carburant de 18 milles nautiques de long, selon l’armée américaine.
Si la cargaison entre en contact avec l’eau, des milliers de tonnes de produits toxiques pourraient « se déverser dans la mer Rouge et perturber l’équilibre des écosystèmes marins », a prévenu Greenpeace en appelant à un plan d’urgence pour éviter une « crise environnementale majeure ».
Cela « pourrait affecter les espèces qui dépendent de ces écosystèmes et avoir un impact sur les moyens de subsistance des communautés côtières », a alerté le responsable régional de l’organisation Julien Jreissati.
Jusqu’à un « demi-million de personnes » vivant de la pêche dans la région pourraient être touchées, selon Abdelsalam al-Jaabi.
– « Catastrophe écologique » –
Pays le plus pauvre de la péninsule arabique, le Yémen est en proie depuis 2014 à un conflit opposant le gouvernement aux rebelles Houthis.
Ces insurgés proches de l’Iran attaquent depuis novembre les navires marchands en mer Rouge et dans le golfe d’Aden qu’ils estiment liés à Israël, disant agir en « solidarité » avec les Palestiniens dans le contexte de la guerre à Gaza déclenchée en octobre.
Depuis que les Etats-Unis ont mis en place une force multinationale de protection maritime et mené, parfois avec l’aide du Royaume-Uni, des frappes contre leurs positions au Yémen, les Houthis visent aussi les navires américains et britanniques.
Le Rubymar, qui est parti des Emirats arabes unis en direction de la Bulgarie, avait été présenté comme un « navire britannique » par les Houthis.
L’armée américaine et la société de sécurité maritime Ambrey l’avaient également associé au Rpyaume-Uni, mais selon l’exploitant du cargo, la compagnie libanaise Bluefleet, il est immatriculé dans les îles Marshall.
Après l’attaque, le directeur de Bluefleet, Roy Khoury, avait dit à l’AFP vouloir remorquer le Rubymar, mais que ni le gouvernement yéménite, ni Djibouti, ni l’Arabie saoudite, n’avaient accepté de l’accueillir.
Le ministre yéménite des Transports, Abdelsalam Hamid, a confirmé avoir refusé de le recevoir dans le port d’Aden, par « crainte d’une catastrophe écologique ».
Une source proche de la présidence à Djibouti, qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat, a également affirmé avoir refusé « en raison du risque environnemental ». Les autorités saoudiennes n’ont pas pu être jointes par l’AFP.
Le président de l’Autorité yéménite pour la protection de l’environnement, Faisal al-Thaalbi, a toutefois accusé l’exploitant et le propriétaire du navire de ne pas « avoir répondu aux lettres officielles » et de « faire partie du problème ».
La veille du naufrage, la société de sécurité maritime Ambrey avait état d’un « incident » autour du navire, qui aurait fait « un certain nombre de blessés », sans fournir d’autres détails.
– Scénario du pire –
Le bateau avait été attaqué alors qu’il se trouvait à 65 kilomètres du port yéménite de Mokha, avant de dériver, alimentant les craintes d’une pollution des côtes du Yémen.
L’émissaire de l’ONU, Hans Grundberg, a annoncé lundi dans une interview que cinq experts du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) se rendraient « dans les 48 heures » au Yémen pour évaluer la situation.
Des équipes locales ont déjà été dépêchées pour inspecter les plages et relever des échantillons, a déclaré Faisal al-Thaalbi, disant craindre que les « sources d’eau » et des « usines de dessalement » puissent être affectées.
Une contamination des côtes serait le « pire des scénario », a-t-il souligné mais les autorités disposent selon lui de barrages flottants pouvant être déployés pour protéger les zones les plus sensibles.