Jean-Marie Carnet, Délégué général du GICAN


Quelles sont les spécificités du salon Euronaval 2012 ?

Alors que de nombreux salons navals à travers le monde ont une dimension régionale, il est l’unique évènement du secteur à revêtir un caractère international et à proposer une offre aussi complète. International car il réunit une large majorité d’acteurs institutionnels et industriels du monde entier. Outre les quelques 400 sociétés exposantes en provenance d’une trentaine de pays, Euronaval accueille plusieurs dizaines de délégations officielles (76 provenant de 52 pays pour l’édition 2010) réunissant près de trois cent très hautes autorités politiques et militaires, des centaines de journalistes (400 lors de la dernière édition) et génère plus de 30 000 visites professionnelles. Complet car il couvre l’ensemble des produits et services du domaine, qu’il s’agisse de construction navale, de services (formation, conseil, simulation, assistance etc.), d’équipements ou de systèmes. Il s’ouvre aux évolutions du secteur, avec la présence d’un bassin de démonstration dynamique permettant l’exposition de drones sous-marins en fonctionnement, et propose au sein même de l’exposition une série d’évènements répondant aux besoins commerciaux, technologiques et stratégiques des participants. On peut ainsi souligner la mise en place d’un service de rencontres d’affaires Business to Business toujours plus performants (en 2010, plus de 1 500 rendez-vous avaient été organisés sur site), la présence d’un pôle Enseignement Supérieur et Recherche qui traduit notre volonté de promouvoir l’ensemble du secteur aux étudiants de Grandes Ecoles et aux experts de Think Tank qui représentent de véritables relais de croissance et d’influence, la tenue de trois conférences présidées respectivement par le Chef d’Etat-major de la Marine nationale, le Secrétaire Général de la Mer et M. Patrick Boissier, PDG de DCNS. Cette édition 2012 aura également proposé aux exposants d’organiser des workshops technologiques sur des thématiques innovantes. Ces mini-conférences représentent une opportunité pour des PME, des majors ou des organismes institutionnels, de promouvoir sous le prisme de l’innovation leurs produits, rôles et services. Il convient également de souligner la participation, pour la première fois dans l’histoire d’Euronaval, de l’OTAN, et de son agence de soutien la NATO Support Agency. Dans un contexte de crise économique et d’austérité budgétaire qui a notamment conduit à la fragilisation du tissu industriel de défense mondial, Euronaval prouve qu’il demeure le point de rencontre privilégié des acteurs de l’industrie navale et maritime.

Salon Euronaval

Quels sont aujourd’hui les pays émergents en matière d’industrie navale de défense et sur quels types de matériels ?

Les pays émergents n’ont pour l’instant ni les compétences ni les capacités industrielles pour rivaliser avec les sociétés européennes et américaines dont l’avance technologique est, bien que menacée à moyen terme, toujours réelle et significative. Ces puissances, citons le Brésil, Singapour, la Corée ou l’Inde, cherchent par le biais de grands contrats à acquérir les technologies et le savoir-faire nécessaires au développement de leurs capacités de conception et de production d’équipements navals. Cette pratique présente le double avantage de moderniser (voire de créer) leurs capacités militaires, et donc de renforcer leur statut de puissance régionale ou internationale, et d’accélérer le processus qui vise à rendre leur industrie navale plus moderne, compétitive et donc moins dépendante qu’elle ne l’est actuellement. L’ensemble des matériels est concerné, qu’il s’agisse d’équipements sous-marins (avec l’école de conception de DCNS dans le cadre de son contrat avec le Brésil qui permettra à ce dernier de former des ingénieurs et techniciens autonomes) ou d’équipements de surface dédiés à la projection de puissance (avec la construction de deux BPC de classe Mistral en Russie).

Crise budgétaire, concurrence accrue, comment se comporte l’industrie navale de défense française – et européenne – dans ce contexte plutôt morose ?

L’activité de l’industrie navale de défense française est satisfaisante. En effet, notre industrie, qui est la seule au monde capable de proposer l’intégralité de la gamme de produits et services, a réussi au cours de ces dernières années à conclure d’importants contrats à l’exportation qui, au-delà de leurs retombées économiques et industrielles, ont un poids politique et sont une véritable composante de la politique étrangère de la France. Je pense ainsi aux succès en Malaisie, en Russie ou au Brésil. Sur la dernière décennie, le montant des exportations des navires seuls (hors missiles, transmissions, radars et autre équipements et systèmes navals) a dépassé les 12 milliards d’euros. Sur les cinq dernières années, le naval de défense français a constitué le moteur des exportations françaises d’équipements de défense représentant plus de 50% du chiffre d’affaires export. De nouvelles opportunités à l’exportation se présenteront. En effet, des facteurs structurels et conjoncturels tels que l’apparition ou le développement de menaces (telle que la piraterie) et la volonté affichée de nombreux pays émergents se doter de meilleures capacités de défense navales dans un souci de rayonnement et de protection de leurs intérêts nationaux en mer conduisent à une augmentation de la demande. Néanmoins des risques réels existent. Sur un plan national, la baisse des prises de commande, la réduction attendue des prochains budgets de défense et le coût croissant des systèmes d’armes obligent notre industrie à se concentrer sur les produits à forte valeur ajoutée et à orienter sa stratégie à l’international. Au niveau européen, l’ouverture non maîtrisée du marché de défense risquerait d’affaiblir certaines de nos sociétés, je pense notamment aux PME, qui n’ont pas la taille suffisante pour faire face à une concurrence internationale de plus en plus féroce. L’effondrement programmé de l’effort de défense européen, la stagnation des budgets américains, le risque de perte de l’avance technologique de nos sociétés en raison des exigences de compensations toujours plus élevées de la part des pays clients et l’émergence de nouveaux acteurs particulièrement agressifs et compétitifs (car proposant des solutions de moins bonne qualité mais à prix moindre) sont autant de menaces qui pèsent sur notre industrie, dont l’objectif à l’heure actuelle est de s’adapter aux changements induits par l’évolution des coûts des programmes et la crise économique, pour maintenir sa position et son leadership.

Salon Euronaval

L’importance accordée cette année à la sécurité et à la sûreté maritime marque-t-elle un fort développement de ces marchés ?

On observe le développement d’une approche globale sur les plans stratégiques et industriels qui tente de réunir sécurité et défense. Dans un monde frappé par le phénomène de maritimisation qui voit les mers et les océans prendre une place de plus en plus importante pour notre développement économique et social, la seule composante militaire ne saurait répondre à l’ensemble des problématiques qui s’exposent à nous : protection de l’environnement et lutte contre la pollution, surveillance et contrôle des pêches, lutte contre les trafics illicites et l’immigration clandestine etc. Bien que certaines de ces missions soit, en France, assurée par la Marine nationale, l’organisation des institutions de sécurité et de sûreté maritimes au niveau international et le développement de ces problématiques vont créer des besoins juridiques, stratégiques et bien évidemment industriels. Le marché est donc amené à se développer. A ce titre, il est essentiel qu’Euronaval lui accorde la place qu’il mérite.

Le Gican a annoncé le lancement d’Euromaritime qui se tiendra désormais tous les deux ans, en alternance avec Euronaval, et dont la première édition aura lieu du 5 au 7 février 2013. Pourquoi cette démarche et en quoi consistera ce nouveau salon ?

La réflexion ayant conduit à la création du salon Euromaritime s’appuie sur le constat fait de l’importance de l’économie maritime dans son ensemble au sein du paysage économique et social national mais aussi international. Nous avons la volonté de rapprocher les différents acteurs qui contribuent à faire de la filière maritime une filière stratégique et d’accompagner le développement des thématiques et des problématiques associées. Notre expertise acquise grâce à l’organisation d’Euronaval nous permettra d’atteindre ces objectifs. Euromaritime répond donc à une double nécessité : améliorer la visibilité d’un secteur qui emploie plus de 300 000 français et génère plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et créer des opportunités de business et de réflexion afin d’accroître la solidité et la compétitivité de l’économie maritime.

En savoir plus : www.gican.asso.fr

Marine & Oceans
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La revue trimestrielle MARINE & OCÉANS est éditée par la "Société Nouvelle des Éditions Marine et Océans". Elle a pour objectif de sensibiliser le grand public aux principaux enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile.   Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu'aux échanges. Les ressources qu'ils recèlent sont à l'origine de nouvelles ambitions et, peut-être demain, de nouvelles confrontations.

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« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.

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