Artère majeure des échanges d’hydrocarbures et de gaz, le Golfe de Guinée jouxte tous les grands pays producteurs de l’Afrique de l’Ouest. En 2011, 24,3% des approvisionnements pétroliers français provenaient de la région, ainsi que l’uranium nigérien nécessaire au fonctionnement de nos centrales nucléaires. La sécurité maritime du golfe est donc essentielle pour garantir la libre circulation des matières et des ressources nécessaires à notre économie. Il y régne pourtant, depuis plusieurs années, une insécurité croissante liée à la piraterie. En octobre 2012, le Bureau Maritime International a tiré la sonnette d’alarme sur cette menace qui n’est déjà plus un épiphénomène. De 2003 à 2013, plus de 427 attaques ont été commises dans ces eaux où la nature, les méthodes et les revendications des pirates divergent radicalement de celles des pirates somaliens.
Siphonner le brut
Aujourd’hui, les régions instables du Nigéria abritent la majorité des pirates du golfe de Guinée malgré les efforts faits pour enrayer le phénomène. Des mouvements politiques comme le MEND (Mouvement d’émancipation du détroit du Niger) ont su utiliser la manne financière issue des captures pour financer leur rébellion. Par la suite, poussés par la misère, profitant de la faiblesse des régimes ou mus par l’appât du gain, des individus issus des populations locales des États riverains (Bénin, Cameroun, enclave de Cabinda, Côte d’Ivoire) se sont progressivement agrégés en équipage de pirates, voire en organisations criminelles aux activités diverses (trafic de stupéfiants, brigandage, contrebande).
Contrairement aux Somaliens qui pratiquent la rançon d’otages, les pirates de l’Afrique de l’Ouest préfèrent siphonner le brut pour le remettre en circulation sur le marché noir. Les bâtiments pris pour cibles sont détournés et leur équipage capturé pendant les jours nécessaires à l’opération avant d’être relâchés dans les eaux du golfe. Ces attaques sont brutales et les pirates n’hésitent pas à faire appel à de l’armement sophistiqué ainsi qu’à des vedettes rapides qu’ils utilisent pour réaliser des attaques éclair depuis la terre. Ils peuvent également avoir recours à des bateaux de pêche pour effectuer une attaque surprise en haute mer, sur des navires ou des plates-formes pétrolières. La découverte de nouveaux gisements d’hydrocarbures offshore accentuera probablement le nombre d’attaques qui s’effectuent d’ores et déjà de plus en plus loin des terres.
Une nécessaire mobilisation
La piraterie a longtemps été négligée dans le golfe de Guinée. La radicalisation des attaques impose désormais d’y renforcer les initiatives de coopération pour endiguer cette dérive et éradiquer le phénomène. Cela nécessite une approche globale pour agir à terre et en mer afin d’améliorer la gouvernance et les outils de sécurité des pays riverains. Cette approche suppose des stratégies d’actions dans le long terme. Dans ce domaine, la France joue déjà un rôle important grâce à la mission Corymbe qui contribue à l’information des marines locales et à la formation des équipages africains. Cette coopération opérationnelle est complémentaire de la coopération structurelle organisée par le Quai d’Orsay. Mais l’étendue de la problématique offre également à l’Union européenne une excellente opportunité d’agir ensemble au bénéfice de tous les Etats membres qui, pour beaucoup d’entre eux, ont des intérêts dans la région.
Source : Centre d’études supérieures de la Marine nationale / cesm.editions.fct@intradef.gouv.fr