Par Aurélien Duchêne
Le gouvernement australien vient de rendre publique sa Revue stratégique de défense nationale (National Defence Strategic Review) qui ne propose rien de moins que d’engager la plus grande transformation de la politique de défense et des forces armées australiennes depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Les Etats-Unis, peut-on lire, ne sont plus le leader unipolaire de la région indopacifique », dans laquelle est située l’Australie, qui voit « le retour d’une compétition stratégique entre grandes puissances dont l’intensité doit être considérée comme la caractéristique déterminante de notre environnement et de notre époque ». Cette compétition stratégique est telle que l’Australie doit désormais se préparer à « la perspective d’un conflit majeur dans la région », liée aux ambitions et à la montée en puissance (notamment militaire) de la Chine décrites par le document comme menaçantes pour la sécurité nationale.
Face à cette situation, la revue stratégique affirme que la structure actuelle des forces de défense australiennes est « basée sur un modèle […] reflétant un passé révolu » qui doit donc évoluer vers une « véritable force intégrée », capable de produire et d’exploiter des effets dans les domaines maritime, terrestre, aérien, spatial et cybernétique.
Les nouvelles priorités sont le renforcement des capacités en matière de missiles longue portée et de frappe dans la profondeur (le document décrit une « ère des missiles » à laquelle devra s’adapter l’Australie), en matière également de drones de combat, ainsi que le développement de la production nationale de munitions, un impératif majeur pour garantir la sécurité d’approvisionnement de l’Australie qui serait facilement mise à mal dans le cas d’un accroissement des tensions, et à fortiori en cas de conflit.
Autres priorités, le développement d’une capacité amphibie et le renforcement des capacités de projection des forces australiennes, le développement de bases et de capacités logistiques, le renforcement de la défense aérienne et antimissiles.
La mer, priorité stratégique
Du fait du caractère insulaire de l’Australie et de la dimension essentiellement maritime de la région indopacifique, la revue stratégique cite naturellement parmi les priorités nationales « des capacités maritimes renforcées dans tous les domaines pour des opérations de déni d’accès et de souveraineté ». La marine australienne « doit être optimisée » pour assurer « la sécurité de nos lignes de communication maritimes et de notre commerce maritime », vitales pour un pays insulaire extrêmement dépendant du commerce extérieur et de la liberté de navigation.
La revue insiste sur la nécessité de préparer la marine australienne aux risques de conflits de haute intensité évoqués plus haut par le renforcement de sa flotte de surface et de ses forces sous-marines tout en s’appuyant sur « un programme continu de construction navale ». de dollars ?
Autonomie en matière de défense nationale
L’entrée en service des futurs sous-marins nucléaires australiens relève d’un horizon encore lointain mais le pays entend déjà s’y préparer. La revue stratégique évoque ainsi l’importance d’étoffer un réseau de bases et d’installations, notamment au sud de l’île mais aussi à l’ouest avec la très stratégique base de Stirling sur l’océan Indien où Canberra souhaite accueillir davantage de sous-marins britanniques et américains.
Si l’Australie s’est engagée dans l’achat de matériels et d’équipements à l’étranger, la montée en puissance de sa marine passera par un renforcement de ses propres capacités de production, y compris sous licence sur la base d’un transfert de technologie. Le gouvernement australien affirme « son engagement en faveur d’une construction navale continue » avec pour objectif la montée en puissance d’une industrie de défense nationale, jugée essentielle pour « l’autonomie (du pays) en matière de défense nationale », qui pose également l’enjeu de la formation. Il faudra, en effet, former du personnel qualifié pour que la BITD (Base industrielle et technologique de défense) australienne puisse satisfaire aux besoins exprimés dans la revue stratégique.
L’enjeu des ressources humaines concerne d’ailleurs les forces navales elles-mêmes. Selon la revue, « la marine est confrontée au défi le plus important des trois armées en matière d’effectifs ». Son « plus grand défi » serait même celui de « disposer d’un effectif suffisant » pour répondre, dans la durée, aux priorités de la défense nationale et de la transformation des forces armées.
La National Defence Strategic Review australienne de 2023 marque clairement les nouvelles ambitions de Canberra en matière de défense nationale, à la mesure des bouleversements stratégiques dans la région indopacifique. Largement tournées vers le large, en cohérence avec les besoins et les intérêts vitaux du pays, elles affichent la volonté de l’Australie de s’affirmer comme une puissance maritime régionale.
Par Aurélien Duchêne
Crédits photo : Caleb Russell/Unsplash.