Vendée Globe, les derniers 1000 milles sous haute tension

Açores en Portugais, cela veut dire « vautours ». C’est assez approprié aux vitesses supersoniques des deux meneurs du Vendée Globe ce matin qui fondent comme des oiseaux de proie sur le dernier milles à parcourir d’ici l’arrivée, barre symbolique que vient de faire tomber Armel Le Cléac’h, une centaine de milles dans le Nord-Ouest de l’archipel lusitanien. Tous deux foncent dans la nuit à plus de 20 noeuds, parfois 22 noeuds de moyenne. Sur les dernières 24 heures, Armel Le Cléac’h a fait tomber 498 milles et Alex Thomson carrément 527 milles ! C’est presque autant que sa fameuse journée « quasi record » à 535 milles du… 19 novembre 2016.
En termes d’écart, on est revenu aux mêmes ratios qu’il y a exactement une semaine : 71 milles d’avance pour le skipper de Banque Populaire VIII sur celui d’Hugo Boss. « Ce n’est pas beaucoup!' » rigole le troisième, Jérémie Beyou, joint à 4h30 ce matin, « aucun des deux n’a droit à l’erreur, ne doit faire de boulette, d’autant que je reste en embuscade ». Jérémie met toujours son billet sur Armel « c’est un bon copain et mon camarade d’entraînement… mais Alex a beaucoup d’atouts et il est dans la dynamique positive de celui qui reprend des milles. » Les deux meneurs, attendus jeudi en milieu de journée aux Sables d’Olonne, vont devoir tirer un grand bord et probablement aller jusqu’à Ouessant avant de pouvoir virer pour le dernier sprint vers l’arrivée, le long de la Bretagne. Celui-ci se fera probablement bâbord amures. Autrement dit, Alex Thomson pourrait continuer de revenir sur Armel Le Cléac’h au moins jusqu’à Ouessant où le run final pourrait se faire avec un faible handicap pour le Britannique – les dernières simulations donnant une trentaine de milles d’écart seulement à la pointe de Bretagne !

Beyou en avance sur son tableau de marche

Pendant ce temps tout va bien pour Jérémie Beyou, 600 milles dans l’Ouest des Canaries. Le skipper de Maître CoQ se félicite ce matin d’avoir plus de vent que prévu : « j’ai 20 noeuds alors que je ne m’attendais qu’à 13. Je prends avec plaisir des milles faciles sur une mer toute plate, ça glisse vite et bien, sans souci et au sec. Je suis en avance sur mes routages et, psychologiquement, ça fait du bien. » Un peu moins de 600 milles derrière Beyou, à la latitude du Cap Vert, Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) est toujours bien accroché à sa quatrième place, avec 300 milles d’avance sur le cinquième Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir), lequel a réussi à prendre une quinzaine de milles sur son fidèle duettiste Jean Le Cam (Finistère Mer Vent). Les dernières ETA confirmant l’arrivée des deux premiers jeudi, estiment aussi que Beyou pourrait arriver le 23 janvier, Dick le 24 et Le Cam et Eliès le 25. A prendre avec des pincettes, comme toujours… Plus Sud, au large de la corne du Brésil, tout va bien également pour Louis Burton (Bureau Vallée) qui progresse relativement bien vers le nord (13,5 noeuds) à un peu moins de 700 milles de l’équateur. Du huitième au dixième, l’Atlantique Sud est plus complexe pour Nandor Fa (Spirit of Hungary), Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) et Conrad Colman (Foresight Natural Energy). Tous trois sont gênés par une zone de hautes pressions qui ralentit leur progression : Bellion tente sa chance près des côtes sud-américaines, Fa joue la carte grand large et Colman est sur une trajectoire médiane. Leurs vitesses ne dépassent guère les 8 noeuds et gagner en latitude s’avère un peu longuet pour ces trois-là.

Amedeo et Boissières au Horn

C’est le bonheur en revanche pour Fabrice Amedeo, qui vient à son tour de regagner l’Océan Atlantique. Le skipper de Newrest-Matmut a doublé le cap Horn cette nuit à 2h40 heure française, après 70 jours, 13 heures et 38 minutes seul en mer. C’est une grande première pour lui, saluée par une jolie photo souvenir et ces quelques mots envoyés il y a quelques minutes à la Direction de course : « après la punition des 55 noeuds de vent, coucher de soleil sur les montagnes et maintenant le Horn ! Grosse émotion… et ce sentiment d’être à ma place, là où j’ai toujours rêvé d’être. » Fabrice va être suivi très rapidement par Arnaud Boissières (La Mie Câline, 12e), qui n’a plus qu’une vingtaine de milles à couvrir pour passer le célèbre caillou noir. Ce sera chose faite dans la matinée. Viendront ensuite les deux autres membres du groupe des quatre, à savoir le Suisse Alan Roura (La Fabrique) puis l’Américain Rich Wilson (Great American IV). A 6h15 ce matin, Alan était à 140 milles du Horn et Rich à 225 milles. Ils devront être prudents en milieu de nuit prochaine, des vents de 35 noeuds étant prévus sur zone pour leur retour dans l’Atlantique. Le Horn est en revanche encore loin pour les quatre derniers bateaux de la flotte : environ 1200 milles pour le duo Didac Costa-RomainAttanasio, (One Planet One Ocean et Famille Mary -Etamine du Lys), 2000 milles pour Pieter Heerema (No Way Back) et 3000 milles pour Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) qui ferme la marche dans le Pacifique, plaqué par du vent de Nord le long de la zone des glaces. 

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