A Rennes, des dockers à la barre pour trafic de cocaïne

Rennes, 20 jan 2022 (AFP) – Un docker de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) décrit comme un « chef de meute », « prêt à en découdre » barre de fer en main face aux douaniers, comparaît jeudi à Rennes avec deux autres prévenus pour importation de cocaïne, par une voie moins surveillée que les grands ports.

Thierry Lorcy, un ancien boxeur dit « Youyou », âgé de 56 ans, est soupçonné d’être au coeur d’un trafic d’importation de cocaïne récupérée dans des conteneurs de bateaux entre 2017 et 2019.

Chaque opération pouvait rapporter « jusqu’à 100.000 euros », a relevé la présidente du tribunal, évaluant le gramme à 50 euros, « le double une fois coupée », la marchandise saisie étant trop pure pour être consommée telle quelle.

Lors d’un premier procès pour les mêmes faits en octobre 2021, sept personnes, dont Damien Lorcy, fils de Thierry, avaient été condamnées à des peines allant de 4 à 10 ans de prison.

L’enquête a commencé en mai 2017 après la saisie dans le port de Santos (Brésil) de 690 kg de cocaïne dans un conteneur frigorifique à destination de Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire. Une information judiciaire avait été ouverte en novembre 2017.

Entre juin 2017 et avril 2020, les enquêteurs ont ensuite saisi 336 kilos de cocaïne au port de Montoir, dans le cadre de quatre importations impliquant des dockers. Pour obtenir de « meilleurs prix », ces derniers étaient « mis en concurrence » par les commanditaires, qui n’ont pas été identifiés, suscitant de féroces rivalités entre clans.

Ces livraisons correspondent à une volonté des trafiquants de trouver des « voies secondaires » pour pénétrer le marché européen, via des ports moins surveillés que ceux du Havre, Anvers ou Rotterdam. La cocaïne en provenance d’Amérique latine, transitait par les Antilles, et était destinée à la région parisienne.

« Chez nous, on est docker de père en fils. Tout le monde se connaît, c’est une grande famille », a déclaré Thierry Lorcy d’une voix faible, nez écrasé. Déjà condamné pour association de malfaiteurs, violences conjugales, ou blanchiment aggravé, il est en détention depuis janvier 2019.

– « du blabla » –

Lors de perquisitions, plus de 450.000 euros lui appartenant ont été retrouvés chez sa soeur et son ex-compagne. Interrogé sur la provenance de cet argent, le docker, qui dit gagner 3.500 euros par mois, répond évasivement: « Cela venait de mon travail en discothèque, de mon passé, je travaillais au black, j’ai fait de l’argent sur le trafic de cigarettes ». Interrogé sur ses accès de violence, accusé de faire « peur à tout le monde », l’homme reconnaît: « Je me laisse pas faire, j’ai un caractère ».

La cocaïne était importée par la technique du « rip-off », qui consiste à récupérer la drogue placée dans un conteneur à l’ouverture des portes en profitant d’une expédition légale entre deux entreprises, soit à leur insu soit avec leur complicité.

Les dockers récupéraient ensuite la cocaïne le plus rapidement possible, en replaçant un plomb contrefait sur le conteneur qui avait été ouvert.

« J’ai entendu parler de cette technique, mais je ne connais pas », a affirmé Thierry Lorcy, niant toute implication malgré des écoutes téléphoniques.

« C’était du blabla, j’ai rien fait du tout (…) Le costume que vous me faites il ne me va pas du tout, j’ai jamais voulu salir mon métier de docker », lâche-t-il.

Un autre docker de 41 ans, Anthony Martin, alias « Tintin », a reconnu lui avoir participé à la réception de 140 kilos de drogue pour aider Damien Lorcy. « Je voulais rendre service, je ne touchais pas à la drogue », a expliqué ce docker, également délégué syndical. « Ce métier, c’était ma passion, ma fierté, la vie sur le quai, la liberté qu’on avait », a ajouté le prévenu, en détention provisoire depuis octobre 2019, disant vouloir suivre une formation de paludier.

Un intermédiaire, âgé de 32 ans, comparaît également. Le procès doit se poursuivre vendredi.

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