Attentat de Karachi: la perspective d’un procès dans le volet sécuritaire s’éloigne

Paris, 31 mai 2023 (AFP) – Les mises en examen de deux anciens cadres de la Direction des chantiers navals dans le volet sécuritaire de l’information judiciaire sur l’attentat de Karachi, qui avait fait 15 morts en 2002 au Pakistan, ont été annulées mercredi pour cause de prescription, éloignant la perspective d’un procès.

Saisie par la défense de Gérard C., chef de site, et Alain Y., chef de projet sur les contrats des sous-marins Agosta 90B, la cour d’appel de Paris a estimé que l’action publique sur ces faits vieux de 20 ans était prescrite, a appris l’AFP de sources proches du dossier.

De fait, les mises en examen pour homicides et blessures involontaires, notifiées en juin 2022 par courrier à ces deux anciens responsables par les juges d’instruction chargés des investigations, ont été annulées. Ceux-ci sont dès lors remis sous le statut plus favorable de témoin assisté dans ce dossier, qui ne fait donc plus peser de menace de procès sur eux.

« Pour nous, la solution est juste et évidente, parce qu’elle suit la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation », a commenté auprès de l’AFP Me Vincent Courcelle-Labrousse, avocat de Gérard C.

« Ce que l’on peut regretter, c’est que les juges d’instruction n’aient pas pris cette décision-là », a-t-il ajouté, estimant par ailleurs qu’au-delà de la question de la prescription, la mise en examen de son client lui apparaissait « totalement injustifiée ».

L’AFP n’avait pu joindre mercredi le conseil d’Alain Y.

« Nous allons immédiatement nous pourvoir en cassation », a réagi de son côté Me Marie Dosé, avocate de parties civiles dans ce dossier.

« Le parquet, le parquet général, les parties civiles et le juge d’instruction, ont toujours considéré que la prescription ne pouvait prospérer en l’espèce. Et cet arrêt va à l’encontre d’une jurisprudence de plus en restrictive en matière de prescription », a ajouté Me Dosé.

– Menaces sous-estimées? –

Le 8 mai 2002, l’explosion d’un bus transportant des salariés de la Direction des constructions navales internationales (DCNI) à Karachi faisait quinze morts, dont onze Français.

La justice française enquête sur deux volets dans cette affaire: un premier concernant les commanditaires de l’attentat, et un deuxième sur d’éventuels manquements dans la sécurisation des employés sur place.

Dans ce dernier volet, les juges d’instruction avaient considéré, 20 ans après l’attentat, qu’il existait des indices graves et/ou concordants que les deux anciens cadres de la DCN aient sous-estimé les menaces qui pesaient sur les salariés de l’entreprise.

Selon les magistrats, Gérard C. aurait mis en place un protocole de sécurité « inadapté », notamment lors des déplacements entre le lieu de résidence et le chantier de construction des sous-marins, permettant d’identifier aisément les personnels et leurs itinéraires.

Son supérieur Alain Y. aurait « validé » ce protocole.

Ils auraient ainsi « sous-évalué » les risques d’attaques envers les salariés présents sur le site, alors que le contexte sécuritaire dans la région était particulièrement « dégradé » depuis les attentats du 11 septembre 2001 avec la multiplication d’attaques ciblant les étrangers ou les intérêts étrangers.

Après deux décennies, cet attentat n’a pas été élucidé et deux thèses s’affrontent.

L’acte semble avoir été minutieusement préparé avec des moyens sophistiqués. Et la piste d’Al-Qaïda, qui ne l’a pourtant pas revendiqué mais l’a approuvé, s’imposait pour le premier magistrat antiterroriste saisi des faits, Jean-Louis Bruguière.

A partir de 2009, l’enquête de son successeur Marc Trevidic s’est orientée vers l’hypothèse de représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions dans le cadre d’un contrat d’armement.

Le volet financier de cette affaire a pour sa part déjà été jugé.

Six personnes ont été condamnées en juin 2020 à Paris à des peines allant de deux ans à cinq ans de prison ferme pour avoir participé à un système de commissions occultes sur des contrats d’armement avec l’Arabie saoudite et le Pakistan qui aurait contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d’Edouard Balladur en 1995. Le procès en appel doit avoir lieu au printemps 2024.

Jugés pour leur part devant la Cour de justice de la République, l’ex-Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé en mars 2021 tandis que son ancien ministre de la Défense, François Léotard, a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

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