Aux Sept-Iles, un équilibre fragile entre les hommes et une protection renforcée de la nature

Perros-Guirec (France), 18 juin 2021 (AFP) – Sur l’île bretonne Rouzic, fous de Bassan, macareux moines et phoques ont trouvé refuge. Elle fait partie de la Réserve naturelle des Sept-Iles qui doit s’agrandir en 2022 pour mieux protéger ces espèces menacées, au risque de faire grincer des dents.

Les nids de dizaine de milliers de fous de Bassan tapissent un versant de l’île interdite aux humains, formant une immense tâche blanche, seule colonie en France métropolitaine et une des 54 au monde.

Des oiseaux tournoient, se détachant du bleu du ciel avec leurs immenses ailes, dans des cris rauques. A ras de l’eau passent de petits macareux moines qui filent en un éclair, poissons en travers de leurs becs colorés, vers leurs terriers sur l’île, pour nourrir leurs petits. Des pingouins torda et des guillemots de Troil observent la scène depuis un rocher, tandis qu’un imposant phoque gris prend un bain de soleil.

Le lieu est unique: il concentre la quasi-totalité des fous de Bassan, des macareux moines, des puffins des Anglais et des pingouins torda, menacés, de France métropolitaine. Premier lieu de naissance du pays pour les phoques gris, il accueille en tout 27 espèces d’oiseaux.

Les oiseaux marins, qui passent toute leur vie en mer, ne mettent palme à terre que pour une brève période, le temps de se reproduire et de couver leurs oeufs.

La réserve naturelle nationale des Sept-Iles constitue aussi un enjeu économique majeur pour la Bretagne Nord, avec plus de 100.000 visiteurs par an.

Gérée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), elle recouvre actuellement 280 hectares de mer et de terre avec toutes les îles de l’archipel. Elle devrait passer en 2022 à plus de 15.000 hectares pour intégrer une nouvelle île, Tomé et le plateau des Triagoz.

– Mieux protéger la mer –

« L’archipel des Sept-Iles n’est que la partie émergée de l’iceberg », explique Pascal Provost, conservateur de la Réserve naturelle, à l’AFP. Elargir la surface permettra de mieux protéger poissons et crustacés et les laminaires, des algues.

Le projet d’agrandissement prévoit d’interdire des activités industrielles (extraction minière, éoliennes…), jet-ski et scooters des mers, le survol à moins de 300 mètres d’altitude et de mieux réglementer les activités de découverte des animaux pour ne pas les déranger.

La pêche professionnelle, à pied, la plaisance, le kayak, la plongée et autres activités de loisir restent autorisés, sauf du 1er avril au 31 août dans une petite zone de 1,3 km2.

Cette zone doit permettre aux fous de Bassan, dont la reproduction se porte mal, de se reposer sur l’eau, alors qu’ils parcourent des centaines de kilomètres pour se nourrir. Des dizaines d’oiseaux y forment des radeaux flottants.

Cette zone suscite le rejet d’une vingtaine d’associations locales – plaisanciers, pêcheurs, kayakistes… – dont la voix est portée par l’association Archipel libre, qui revendique 5.000 adhérents en tout.

« La position de toutes ces associations est d’accepter l’extension de la réserve, mais nous refusons toute zone interdite », explique son président, Guillaume de Nanteuil. Elles refusent une « confiscation du patrimoine maritime commun », explique-t-il, disant craindre que « cette zone interdite grandisse » par la suite.

La zone de quiétude n’a pas vocation à dépasser la surface actuellement définie, assure Pascal Provost.

« La population locale n’est pas très au courant », déplore Odile Guerin, de l’association naturaliste locale Etapes, qui elle défend l’extension et la zone de quiétude. « Très peu de plongeurs et de bateaux vont dans cette zone », assure-t-elle.

Ce projet fera l’objet d’une enquête publique à l’automne, avant un décret attendu fin 2022, après l’élection présidentielle. Il s’inscrit dans l’objectif de « 30% du territoire national couvert par des aires protégées d’ici 2022, dont un tiers sous statut de protection forte », rappelle le ministère de la Transition écologique.

Les eaux françaises restent très mal protégées, avec à peine 1,5% en protection forte, relève une étude récente du CNRS.

« Il y a un enjeu à préserver les milieux marins, dont on s’est préoccupé plus tard que les milieux terrestres », à l’heure où la nature se porte mal, insiste Charlotte Meunier, présidente des Réserves naturelles de France.

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