En Galice, la lutte contre la mer des pêcheurs de pouces-pieds

A 41 ans, Fernando Mariño, dit Nando, est l’un des 65 marins de la région galicienne de Cangas, à l’extrémité nord-ouest de l’Espagne, à détenir la licence qui fait d’eux officiellement des pêcheurs de pouce-pied, une profession qui se transmet de père en fils.

Un peu plus tôt, vêtu de sa combinaison en néoprène, un petit filet accroché à la ceinture pour recueillir sa prise du jour, le pêcheur sautait depuis une barque sur les rochers émergeant à marée basse au pied d’une falaise.

« Le danger, ce n’est pas la mer, c’est de devoir sauter sur les rochers », confie Nando, un grand gaillard au visage fin et aux cheveux poivre et sel. La difficulté de cette pêche acrobatique, où il faudra faire très vite avant que la mer ne monte, c’est aussi « de choisir sur le rocher même le bon pouce-pied et laisser celui qui est trop petit ».

Le travail commence à marée descendante, environ deux heures avant la basse mer. « Dès que la mer monte, cela devient très dangereux », raconte-t-il.

Durant ces deux heures, les pêcheurs, bravant le danger, arrachent les pouces-pieds agrippés aux rochers. Il utilisent la « raspa », un outil fait d’un manche de bois et d’une pointe aplatie en métal, avec laquelle ils décollent ces crustacés d’environ cinq centimètres de long, aux extrémités recouvertes d’une carapace en forme d’ongles.

« Il faut faire attention à tout, à la mer, aux copains, au cas où l’un d’eux tomberait », raconte Marcos Golvanes, 27 ans, le pilote du petit bateau qui emmène les pêcheurs. Ici, sur ces rochers glissants balayés par les tempêtes, la moindre erreur peut être fatale. Personne n’a oublié la mort, le 13 décembre 2012, d’une femme pêcheur tombée à la mer tout près de là, à Oia.

Les pêcheurs se préviennent les uns les autres quand déferle une vague. Dans les recoins les plus dangereux, ils s’accrochent avec une corde, soutenus par un camarade.

« Ici, par mer forte, nous avons eu quelques frayeurs, mais nous avons eu de la chance », se souvient Monica Gonzalez, la garde-pêche, qui veille à la sécurité de tous.

« Plus la zone est dangereuse, meilleur est le pouce-pied », car c’est là que la mer frappe le plus fort, remarque-t-elle.

Dans son canot, Monica attend que les pêcheurs rapportent leurs prises pour les peser et vérifier qu’ils ne dépassent pas le quota autorisé de quatre kilos par personne, pouvant aller jusqu’à cinq kilos à Noël.

Ils regagneront ensuite Cangas pour la vente aux enchères.

« D’ici à Noël, les prix pourront tripler », assure David Fernandez, gérant de la confrérie des pêcheurs de Cangas. « En décembre l’an dernier, nous vendions jusqu’à 162 euros le kilo, et à 40 euros en moyenne ».

Depuis quatre ans, ce pêcheur dirige la confrérie qui, en 2012, a tiré 687.729,86 euros de la vente de 17.508 kilos de pouces-pieds.

A l’arrivée sur la table du consommateur, les prix pourront avoir doublé, bien loin des 26 à 40 euros auxquels Nando et ses compagnons écouleront leur pêche ce jour-là, à un mois de Noël.

« La vente n’a pas été bonne », reconnaît Fernando Mariño, pêcheur de pouces-pieds depuis 1994.

Dans un petit hangar sur le port, les acheteurs observent, touchent les crustacés avant de se décider. « Je regarde la qualité, la quantité, l’aspect », explique Eduardo Fernandez, venu acheter au nom d’une société d’export.

« L’essentiel de la clientèle, ce sont les grossistes. Parfois une femme qui revend sur la plage, parfois un restaurant », remarque David Fernandez. Ce jour-là, tous reconnaissent que le cours est bas et que la demande a chuté ces dernières années sous l’effet de la crise économique qui oblige les Espagnols à calculer au plus juste leurs dépenses.

« Je dirais que la demande a baissé de 50% durant les trois ou quatre dernières années », observe David Fernandez. C’est pour cela que les pêcheurs de pouces-pieds mettent tous leurs espoirs dans les fêtes de fin d’année, leur principale source de revenus.

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