En manque de bras, la pêche bretonne peine à recruter

Pordic (France), 15 fév 2023 (AFP) – Un casque de réalité virtuelle sur les yeux, bien calé dans son fauteuil et loin des flots, Yann, 16 ans, navigue en pleine mer, à 360 degrés, à bord d’un chalutier: la pêche bretonne, en manque de bras, cherche à recruter par tous les moyens, y compris le virtuel.

« On a recours à ce genre d’initiatives, comme aux réseaux sociaux, car ce ne sont pas des métiers qu’on peut découvrir facilement », constate Morgane Lahay, chargée de mission à Cap Avenir, une association basée à Pordic (Côtes-d’Armor) et « créée par les pêcheurs, pour les pêcheurs ». Son objectif: contrer le manque d’attractivité du métier et accompagner la relève.

La situation est critique: les marins-pêcheurs partent à la retraite à 55 ans – mais 17% ont dépassé cet âge – et 56% d’entre eux ont plus de 40 ans.

Selon les chiffres de la Direction interrégionale de la mer (DIRM), des centaines de postes sont à pourvoir: sur la période 2017-2022, il manquait 750 matelots, 500 mécaniciens embarqués et 280 patrons. Sans oublier la main d’oeuvre recherchée pour les cultures marines (huîtres, moules, etc…). Fin 2020, la profession employait 5.063 marins-pêcheurs en Bretagne.

Rentrer dans le métier est « plus difficile aujourd’hui » qu’autrefois, reconnaît Mme Lahay. « Maintenant, il faut un diplôme; avant, on apprenait sur le tas ».

« On parle beaucoup d’ascenseur social: mais après quelques mois comme matelot, en continuant à se former, on peut passer patron. Ce n’est pas comme dans l’administration où il faut attendre dix ans pour devenir chef d’équipe », ironise sa collègue à Cap Avenir, Emilie Larmet.

Autre atout, des salaires attractifs.

« Le salaire de base pour un débutant approche généralement les 2.000 euros net et ça peut atteindre le double » selon les périodes, souligne Mme Larmet. « Historiquement, les marins sont payés à la part (en fonction du tonnage et de la valeur du poisson pêché, ndlr). Mais, pour fidéliser leurs équipages, les armements se mettent de plus en plus au fixe, au moins pour partie ».

Fidéliser, c’est ce que s’efforce de faire l’Armement Bigouden, basé au Guilvinec (Finistère). « Chez les marins, il y a beaucoup de turn-over », constate Christophe Collin, directeur de l’armement qui compte 11 chalutiers de 24 m et 60 marins.

Dans ce métier où l’on commence jeune, « plus de 45% de ceux qui en sortent ont moins de 35 ans », rappelle Mme Lahay.

Le confort à bord est désormais essentiel. Sur les chalutiers récents, chaque membre d’équipage a sa cabine climatisée/chauffée. « Sur tous les bateaux, il y a internet, qui nous coûte cher, parce que c’est par satellite », relève le directeur.

– « Redonner de la fierté aux marins » –

La crainte de l’accident colle aussi à l’image négative du métier. Mais la sécurité « est de plus en plus drastique. Il y a eu beaucoup d’efforts de faits et tous les armateurs jouent le jeu », affirme-t-il.

« Pour amener les jeunes à faire ce métier, il faut d’abord en dire du bien. Or, on en dit beaucoup de mal », déplore Isabelle Thomas.

Cette ancienne députée européenne est secrétaire générale de Breizhmer, une association où sont représentés tous les acteurs du secteur et dont la mission est de répondre aux défis de la filière, parmi lesquels l’innovation et le recrutement.

La pêche hauturière, où les marins partent en mer pour dix/quinze jours mais parfois plus, est particulièrement à la peine en matière de recrutement.

« Les pêcheurs n’ont plus envie d’être éloignés de leur famille aussi longtemps. Il y a une vraie évolution à ce niveau-là, il va falloir en tenir compte », considère Mme Thomas.

« Aujourd’hui, tous les métiers (de la mer) sont en tension (…) On doit répéter qu’on y gagne de l’argent et qu’un pêcheur, après une formation courte, va gagner deux fois plus que beaucoup de bac+5 », insiste-t-elle.

Et, surtout, à une époque où « nourrir les gens est devenu un vrai sujet (…) il faut, assure Isabelle Thomas, redonner de la fierté aux marins! »

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