Jacques Saadé, fondateur de CMA CGM, fleuron du transport maritime, est mort

« Jacques R. Saadé avait consacré sa vie à CMA CGM. Visionnaire hors norme et entrepreneur unique, il avait fait de son groupe un leader mondial du transport maritime par conteneurs », a souligné l’entreprise.

« C’est un entrepreneur visionnaire qui nous quitte », a réagi le président de la République Emmanuel Macron dans un communiqué. Il « aura toujours su surmonter les crises du marché maritime et mener son groupe avec lucidité dans une économie par nature mondiale et complexe ».

Plus tôt, depuis Pékin où il est en déplacement, le Premier ministre avait rendu hommage sur Twitter au fondateur d’un « fleuron français ».

Ce Franco-Libanais avait quitté il y a un an les manettes opérationnelles de l’empire familial: le 7 février 2017, le jour de ses 80 ans, il nommait son fils Rodolphe directeur général. Il lui avait confié la présidence du conseil d’administration neuf mois plus tard.

Quatre décennies auparavant, en 1978, Jacques Saadé, né à Beyrouth et diplômé de la London School of Economics, avait posé la première pierre de ce qui allait devenir un géant du transport maritime, profitant de l’explosion du commerce mondial, dont une large partie passe par le transport en mer de containers.

A l’origine, il fonde la Compagnie Maritime d’Affrètement (CMA) avec un seul navire et une ligne reliant Marseille à l’Italie, la Syrie et le Liban, dont il a fui la guerre civile avec sa famille, de tradition chrétienne orthodoxe.

Ses bateaux traversent le Canal de Suez à partir de 1983, et il lance une ligne entre l’Europe du Nord et l’Asie en 1986, puis ouvre en 1992 le premier bureau commercial de CMA en Chine, à Shanghai.

Le transport de conteneurs fait le succès de CMA, qui mise également sur les acquisitions: il rachète la CGM dans le cadre de sa privatisation en 1996, Delmas en 2005, et l’ensemble CMA CGM devient à partir de 2006 numéro trois mondial.

Après une perte en 2016, le groupe avait largement renoué avec les bénéfices en 2017, dégageant 701 millions de dollars de bénéfice net pour un chiffre d’affaires de plus de 21 milliards de dollars.

– « prestigieux ambassadeur » de Marseille –

Si plusieurs autres membres de la famille Saadé occupent des rôles clés dans l’entreprise, le rachat de CGM crée également une brouille entre Jacques Saadé et son frère cadet Johnny, qui s’affronteront devant les tribunaux jusqu’en 2014, la justice française donnant raison à Jacques Saadé.

Fait commandeur de la Légion d’Honneur de 2015, le fondateur de CMA CGM était très lié à Marseille, où le siège social, conçu par la célèbre architecte Zaha Hadid, est devenu, du haut de ses 147 mètres, un symbole de la ville.

« Marseille perd l’un de ses plus prestigieux ambassadeurs et la France l’un de ses plus emblématiques porte-drapeaux économiques », a regretté le maire (LR) de la ville Jean-Gaudin. Il a remercié l’entrepreneur d’avoir « cru au potentiel du développement de notre ville et à son rayonnement au niveau international ».

M. Gaudin a présenté ses condoléances aux enfants de M. Saadé — Tanya, Rodolphe et Jacques — en se disant confiant qu’ils « poursuivront désormais, avec le même talent, l’oeuvre de leur père ».

Le groupe fondé par Jacques Saadé, qui dessert plus de 420 ports avec 500 navires, emploie 2.400 personnes à Marseille sur 30.000 salariés dans le monde.

« Marseille est belle et la mer ressemble un peu à celle de Beyrouth. Tous les jours, je disais aux enfants: +On repart bientôt+ », avait raconté le patron à l’hebdomadaire Le Point en 2013, dans un rare moment de confidences.

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