La SNCM, ainsi que l’Etat, mènent actuellement deux recours contre une condamnation de la Commission européenne du mois de mai, qui exige de la France qu’elle recouvre 220 millions d’aides jugées illégales versées à la compagnie reliant la Corse au continent entre 2007 et 2013.
Dans une lettre à Veolia, qui doit en principe devenir d’ici fin octobre l’actionnaire majoritaire de la SNCM, le président de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) Paul Giacobbi relève qu’il est d’ores et déjà « contraint » de préparer le recouvrement de cette somme.
« A la suite de la décision de la Commission européenne du 2 mai 2013 et au récent rejet de la demande de sursis à exécution, la CTC est créancière de la SNCM et va être prochainement contrainte, ainsi que (la loi) l’y oblige, de recouvrer auprès de la SNCM une somme d’un peu plus de 200 millions d’euros », écrit-il dans une lettre datée du 24 septembre, dont l’AFP a obtenu une copie.
Dans ce courrier, également envoyé au gouvernement, le président de l’exécutif corse avertit Veolia qu’il a l’intention de lui demander directement les fonds si la SNCM était trop fragile, arguant que Veolia était « dirigeant de fait » de la compagnie méditerranéenne française.
Dans un communiqué publié jeudi, M. Giacobbi a précisé qu’il n’avait jamais exigé de la SNCM le remboursement de cette somme, relevant que le courrier est adressé au seul Veolia.
« Ni à ce jour, ni à un terme prévisible il n’a été et ne sera émis aucun titre de recette exécutoire à l’encontre de la SNCM, en vue de recouvrer les sommes mises à la charge de la SNCM par la Commission européenne », insiste-t-il.
Inquiétudes
Du côté de Veolia, l’hypothèse de devoir rembourser ces aides a fait bondir la direction du géant français de l’eau et des déchets, lui-même en cure d’austérité, qui n’a pas provisionné de fonds pour cette éventualité.
« Veolia conteste fermement toute réclamation qui pourrait être faite à son encontre et confirme qu’elle n’a aucun engagement à l’égard de la SNCM dans ce cadre », a réagi le groupe dans un communiqué.
Veolia, entré à reculons dans la SNCM lors de la privatisation de la compagnie en 2006, est indirectement actionnaire via Transdev, sa coentreprise avec la Caisse des Dépôts, laquelle détient 66% du capital. L’Etat contrôle directement 25%. Mais Veolia doit, en principe d’ici fin octobre, devenir seul maître à bord de la SNCM, en prenant en compte propre cette participation des deux tiers.
Ces 220 millions d’euros sont une somme considérable pour la seule SNCM puisque cela représente près des deux tiers de son chiffre d’affaires annuel et qu’elle subit des pertes chroniques. L’Assemblée de Corse a voici deux semaines prolongé de 10 ans la délégation de service public confiée à la compagnie.
Le ministère des Transports a rappelé jeudi que « la contestation sur le fonds de cette demande émanant de Bruxelles de rembourser les 200 millions d’euros est à l’étude devant le tribunal de l’Union Européenne ».
« Ce n’est pas au gouvernement de commenter les échanges entre la collectivités territoriales corse et Veolia », a pour sa part fait valoir Matignon.
« L’Etat est mobilisé auprès des autres actionnaires et du directoire de l’entreprise, pour construire les copnditions d’un redressement de la SNCM », ajoute-t-on chez Jean-Marc Ayrault.
Reste que le dossier de la SNCM suscite des inquiétudes pour l’exécutif, selon une source gouvernementale. Le scénario d’une grève de la compagnie, qui pourrait s’étendre au port de Marseille, est notamment redouté, selon un proche du dossier.
Mais du côté des syndicats de la SNCM, on calmait le jeu jeudi, après la publication de cette lettre.
« Le tribunal de l’UE lui-même a dit fin août que les recours nationaux pouvaient durer encore longtemps et qu’il n’y avait pas d’urgence immédiate », a réagi Maurice Perrin, délégué syndical de la CFE-CGC.
« Qui a organisé cette fuite (de la lettre, ndlr)? », a-t-il ajouté, visant Veolia, et redoutant de nouveaux effets dommageables sur l’image de la compagnie. « On a une lettre destinée à Veolia qui fuite à la presse et fait passer la SNCM comme étant dans une situation financière très délicate alors que c’est une société a des besoins normaux en trésorerie ».
« On est vigilants, mais inquiets, non », a appuyé Frédéric Alpozzo, de la CGT-Marins, majoritaire à la SNCM, relevant qu’il reste de nombreux recours. « Si on a des actionnaires sérieux, le danger est minime », a-t-il estimé.
bur-map/cho
VEOLIA ENVIRONNEMENT