L’Etat doit choisir entre la SNCM et son actionnaire Transdev

Lors d’un conseil de surveillance qui s’est ouvert lundi après-midi à Marseille, doit être abordé le sujet important du financement de nouveaux navires, partie essentielle du plan de redressement porté par la direction actuelle.

Le temps presse: la lettre d’intention pour la commande de deux navires et deux en option aux chantiers navals STX de Saint-Nazaire doit être confirmée avant fin mai par la validation du financement, sur lequel ont planché l’État, la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement (BpiFrance). Faute de quoi les délais de livraison ne pourront être tenus.

Mais les membres du conseil vont également renouveler le directoire de la compagnie, dont le mandat se termine fin mai. Et l’atmosphère risque d’être lourde. Car le principal actionnaire, Transdev (66%), fort de sept représentants au conseil, s’opposera certainement à la reconduction du mandat du président du directoire Marc Dufour et de son équipe.

Dans un entretien à La Provence lundi, celui-ci ne nourrit d’ailleurs guère d’illusion sur son sort: « J’ai espéré qu’il (son mandat, ndlr) serait renouvelé, mais je pense que la probabilité est très forte que ce ne soit pas le cas. Les actionnaires Transdev et Veolia sont en désaccord avec le plan de redressement que j’ai proposé (…) Mon départ sera un mauvais signe pour l’avenir de la compagnie. Il va laisser à penser qu’on veut effectivement faire disparaître la SNCM ».

Transdev ne veut en effet plus entendre parler de ce plan –pourtant voté à l’été 2013. Il souhaite même se désengager de la compagnie, opératrice historique des lignes Corse-Continent, estimant ne « pas avoir les moyens de financer » son développement, ni les risques l’accompagnant.

La SNCM est en effet sous le coup d’une condamnation de Bruxelles à rembourser deux fois 220 millions d’aides publiques, ce que le PDG de Transdev Jean-Marc Janaillac considère comme « une menace létale ».

Antoine Frérot, PDG de Veolia, coactionnaire de Transdev au côté de la Caisse des dépôts et consignations, a d’ailleurs demandé une « mise sous protection du tribunal de commerce ». Une position, également soutenue par le président de la Collectivité territoriale de Corse Paul Giacobbi, qui conduirait l’entreprise à ne conserver que 500 salariés contre un peu plus de 2.000 actuellement.

M. Dufour n’a pas souhaité s’exprimer avant l’ouverture du conseil.

Les syndicats, eux, lui ont apporté leur soutien. « Il faut sortir de ce conseil avec un calendrier. Si cette menace (de l’éviction de M. Dufour, ndlr) devient effective, c’est le démantèlement qui sera devant nous », a déclaré Maurice Perrin, délégué CFE-CGC, l’un des représentants des salariés au conseil. « Si la volonté, c’est de démanteler, il s’agira d’un choix politique et économique du gouvernement pour faire place libre à Corsica Ferries (concurrent de la SNCM, ndlr) », a ajouté Frédéric Alpozzo, délégué CGT-Marins.

– L’État en position d’arbitre –

Ce désaccord entre la SNCM et son actionnaire, d’abord feutré, s’est durci ces derniers mois avec la tentative d’éviction du président du conseil de surveillance, Gérard Couturier, l’un des sept représentants de Transdev au conseil mais qui a pris fait et cause pour la direction.

Entre les deux, l’État, actionnaire à 25%, se trouve en position d’arbitre. En janvier, après une grève de dix jours, le ministre –aujourd’hui secrétaire d’État– des Transports Frédéric Cuvillier avait soutenu le projet de la direction et lancé les études de financement.

Mais depuis, syndicats et direction ont par moment douté de ces engagements et il a fallu une nouvelle grève en avril pour que l’État promette à nouveau de « se mobiliser pour trouver d’ici la fin de l’année un actionnariat industriel portant le redressement de l’entreprise sur les bases de son plan long terme ».

Cette fois-ci, le gouvernement devra clairement faire son choix, car les votes de ses trois représentants seront la clef du scrutin, les quatre voix des représentants des salariés et actionnaires salariés (9%) semblant acquises au directoire actuel.

L’État, qui n’a rien laissé filtrer de ses intentions, donnerait ainsi de facto les rênes de l’entreprise à Transdev s’il s’abstenait.

Pour sortir de cet affrontement avec leur actionnaire de référence et enfin mettre en place le plan qu’ils défendent avant la prochaine assemblée générale qui rebattra les cartes au conseil de surveillance, syndicats et direction plaident pour la modification rapide de l’actionnariat.

Selon Marc Dufour, il existe « plusieurs actionnaires » potentiels, notamment le norvégien Siem, qui a exprimé son intérêt pour la société et son projet industriel. Seule condition pour leur arrivée, le règlement du contentieux européen, un dossier dont l’État détient également les clefs.

tlg-bbm-rl/cho/abb

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