L’île de Giglio veut tourner la page du Concordia

Le paquebot avait fait naufrage par une nuit froide de janvier, réveillant les 1.500 habitants de l’île, dont la plupart se sont précipités pour sauver les 4.229 passagers du Concordia, et les accueillir chez eux.

Depuis, le géant des mers est resté pendant des mois échoué sur les rochers à quelques dizaines de mètres de la côte, penché à tribord et à moitié immergé. Le naufrage de ce paquebot, grand comme deux fois le Titanic, avait fait 32 morts.

Ce n’est qu’en septembre dernier que son redressement a été réalisé à l’issue d’une opération de rotation de la coque sans précédent, et son renflouement décidé pour la mi-juillet.

Pour cette opération, jamais réalisée sur un bateau de cette taille, quelque 500 ingénieurs, plongeurs, techniciens et ouvriers ont été mobilisés pendant 30 mois, à temps plein sur l’île, petit paradis touristique au coeur de la réserve naturelle de l’archipel toscan.

« Du jour au lendemain, la vie sur l’île a complètement changé. Au lieu des touristes en tongs et en maillots de bain, on s’est retrouvé avec des hommes portant des casques, des gilets de sauvetage ou des combinaisons d’ouvrier aux terrasses des cafés près du port », a expliqué à l’AFP le maire du Giglio, Sergio Ortelli.

Des photos d’ingénieurs écossais, américains ou néerlandais embrassant les propriétaires du lieu, ont commencé à apparaître sur les murs des bars ou des restaurants de l’île.

« Cet accident a finalement permis de situer le Giglio sur les cartes », résume pour l’AFP Gertraud Lang Schildberger, 71 ans, dont la famille gère un société de locations de vacances sur le port.

« Tous ces jeunes hommes qui parlent toutes les langues ont internationalisé les habitants de l’île, et même changé notre façon de manger ou de boire. Certains restaurants ont changé leur carte, importé des bières ou des alcools étrangers », explique-t-elle.

Un coup de fouet pour l’économie locale, avec bars, hôtels et restaurants ouverts désormais toute l’année, quand la saison touristique ne dure habituellement que de mars à octobre.

Une manne pour ces professionnels mais pas pour tous les habitants de l’île.

Le nombre de touristes a chuté de 25% au cours des deux dernières saisons, pour tomber à quelque 115.000 personnes l’an dernier, soit la perte d’une ressource bien plus importante pour beaucoup d’insulaires que les quelques centaines de sauveteurs présents à l’année.

Les sentiers de randonnée à travers l’île sont envahis par les herbes folles, et les plongeurs de l’île regrettent la disparition de l’un des meilleurs « spots » de plongée de la côte.

« Juste en-dessous du site du naufrage, se trouve une grotte avec des reflets de corail rouge quand vous l’illuminez. Les plongeurs venaient toute l’année pour voir ça. Il faudra des années pour ce qui reste puisse à nouveau être visité », regrette Cristiano, barman.

Costa Croisières, propriétaire du Concordia, a promis de tout remettre en état, après le départ du paquebot, prévu mardi.

Giandomenico Ardizzone, spécialiste de biologie environnementale, surveille la vie sous-marine autour du paquebot depuis son naufrage: il sera chargé de superviser les opérations de nettoyage.

Celles-ci doivent durer deux ans et permettre de retirer les infrastructures construites exprès: plate-formes sous-marines, piliers et fond artificiel.

Les plongeurs de la société Titan-Micoperi seront les derniers à partir.

Mais certains d’entre eux resteront sur l’île. Yurgi Bean, plongeur chevronné habitué des plate-formes pétrolières de la mer rouge ou du Golfe du Mexique, « adore » tellement la vie au Giglio, qu’il a décidé d’y rester.

Le départ des autres laissera quelques coeurs inconsolés.

« On va verser des larmes dans la mer quand ils seront partis », soupire déjà Gertraud Lang Schildberger.

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