Le tribunal, dans un jugement dont l’AFP a obtenu copie, a nommé un juge-enquêteur pour « l’éclairer pleinement sur la réalité de l’état de cessation de paiement » et fixé au 25 novembre une nouvelle audience.
La juridiction commerciale pourra alors décider, ou non, de valider cet état de cessation de paiement, préalable à un éventuel placement en redressement judiciaire qu’appelle de ses voeux Transdev, actionnaire principal (66%), soutenu par l’Etat (25%).
Pour ces derniers, cette option permettrait d’annuler les condamnations européennes dont la SNCM fait l’objet – plus de 400 M EUR d’aides publiques jugées illégales – et de trouver un repreneur.
Le PDG de Transdev, Jean-Marc Janaillac, avait ainsi évoqué le 3 novembre « 5 ou 6 » repreneurs potentiels. Dans un communiqué, cette filiale de la Caisse des Dépôts et de Veolia, a pris « acte » de cette décision et assuré qu’elle avait « toujours assumé sa responsabilité d’actionnaire majoritaire » de la compagnie. « Transdev poursuit aujourd’hui un seul objectif: éviter la disparition totale de la SNCM, de ses activités et de ses emplois », a encore affirmé Transdev.
Les représentants des salariés – actionnaires à hauteur de 9% – ont réagi très prudemment. « La nomination de ce juge-enquêteur est insuffisante. Nous aurions souhaité une enquête plus approfondie de la part du parquet sur la faillite organisée et les malversations des actionnaires et dirigeants passés et actuels », a déclaré à l’AFP Frédéric Alpozzo, responsable CGT des marins, rappelant qu’il a déposé plainte dans ce sens fin 2013 devant le parquet de Marseille.
« On a bien confirmation du caractère totalement inédit de cette procédure », a souligné auprès de l’AFP Maurice Perrin, représentant CFE-CGC, réclamant une période d’observation de six mois « financée par Transdev et Veolia ».
La CFE-CGC avait dénoncé mercredi à l’issue d’une audience à huis-clos devant le tribunal de commerce « une position de cessation de paiement organisée » alors que la compagnie dispose selon elle de « 35 millions d’euros disponibles en banque » et d’un actif naval qui serait évalué à 220 millions d’euros.
Transdev a en effet réclamé début novembre à la SNCM le remboursement anticipé de 103 millions d’euros de prêts et Veolia, coactionnaire, 14 millions d’euros, deux créances que la compagnie n’est pas en mesure d’honorer.
– ‘cessation de paiement conduite par l’actionnaire principal’ –
A l’audience de mercredi à la suite du dépôt de bilan le 4 novembre, le procureur de la République avait souligné le caractère inédit de cette démarche « d’une cessation de paiement conduite par l’actionnaire principal », a souligné le tribunal de commerce dans ses attendus.
Le procureur avait alors sollicité l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, « procédure (qui) permettra de savoir si la direction est franche et voir si des repreneurs vont déposer une offre pour sauver un maximum d’emplois ».
Dans un court communiqué, la direction a indiqué vendredi que dans l’attente de la décision, elle « continuait de travailler sur son projet industriel ». « Il apporte la démonstration qu’un périmètre d’activité peut être à l’équilibre » et « constitue donc un atout pour trouver le meilleur repreneur et assurer la poursuite des opérations ».
Selon elle, ce « périmètre à l’équilibre » se situerait entre 800 et 1.000 emplois, alors que la SNCM, chroniquement déficitaire, compte aujourd’hui environ 2.000 salariés, dont 1.500 CDI, et fait vivre de nombreux sous-traitants.
La recherche d’un repreneur reste subordonnée au maintien de la délégation de service public (DSP) accordée jusqu’en 2024 pour la desserte de la Corse à la SNCM, en partage avec la Méridionale.
« C’est un enjeu fondamental sur lequel le gouvernement est entièrement mobilisé dans une discussion complexe avec la Commission européenne », avait reconnu le secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidalies.
La Société nationale Corse Méditerranée est née en 1976 pour assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Depuis 1996, elle subit la concurrence de Corsica Ferries. Cette compagnie franco-italienne l’a dépassée en 2004 en nombre de passagers transportés vers la Corse et a multiplié les plaintes devant la justice européenne, dénonçant des aides publiques à la SNCM incompatibles selon elle avec les règles sur la concurrence.
rl-hj/LyS
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